Nuit et ville blanches

14 Août

Marché coloré

Les montagnes du mal

Lundi 10 mars

•J• Après la visite du cimetière ferroviaire d’Uyuni, Poli nous dépose dans la rue d’où partent les bus pour Potosi. Holly, Jack, Kirsten nous accompagnent tandis que Jamie, Matias et Tracy filerons à Sucre de Potosí. La rue est bordée de petites échoppes concurrentes. Et en moins de temps qu’il faut pour le dire nous avons trouvé les meilleurs prix. Direction Potosí, l’une des villes les plus hautes du monde perchée à 4070m. La route est à couper le souffle mais tout le monde dort. Nous n’avons pas réussi à obtenir des places côte à côte et je me désole de ne pas pouvoir réveiller Hadrien. Les paysages font partie des plus beaux que j’ai vu jusqu’ici. J’aurais aimé faire la route en voiture pour pouvoir m’arrêter et prendre des photos. C’est vraiment un trajet à faire de jour !

|H| La ville de Potosí est perchée sur une montagne d’argent. Plutôt poétique ? Pas vraiment quand on sait que l’état espagnol à exploité les indiens pour extraire le précieux minerai du Cerro Rico. L’argent pur à rempli les caisse de l’Europe des siècles durant. Aujourd’hui encore, les mineurs travaillent jour et nuit dans l’enfer des veines souterraines. Indépendants ou en coopérative, les mineurs ont un bon salaire mais travaillent et meurent – jeunes – pour l’honneur : la mine de Potosí est bien moins productive que d’autres, en Bolivie ou au Chili. L’attrait principal de la mine est touristique ; des milliers de visiteurs se pressent pour voir les mineurs crever sous terre. Très peu d’argent (sauf avec certaines agences) est reversé aux familles de mineurs, qu’il est néanmoins possible d’aider en leur achetant des cadeaux au marché des mineurs. Bâtons de dynamite, cahiers pour les enfants permettent ainsi d’ouvrir la conversation avec les mineurs. Nous ne voulons pas participer à l’exploitation de ces hommes et n’allons pas faire cette visite « incontournable ». La visite de la ville suffira.

•J• Donc nous débarquons à Potosi et cherchons un taxi qui pourra nous déposer nous et nos sacs de 100 kilos à l’auberge Koala Den. Nous négocions le prix avec un premier taxi mais celui-ci n’est pas très joueur. D’autant que sa voiture n’est pas bien grande. Nous cherchons un concurrent mais la course ne les intéresse pas tant que ça et les chauffeurs ne se bousculent pas pour nous emmener. Puis il se passe un truc étrange : un type hilare se propose finalement de nous emmener dans son fourgon 9 places, entraîné par ses amis. Tout le monde à l’air de trouver la situation amusante sauf nous cinq qui ne comprenons pas grand chose. Après une grooosse hésitation, quelques regards échangés entre nous, nous décidons finalement d’un prix et montons avec le chauffeur. Celui ci nous emmène à bon port en discutant de choses et d’autres ; visiblement il n’était pas sobre, ou alors trèèèèès bizarre. L’auberge est super, avec plusieurs étages, une salle informatique et une cuisine. Bien sûr nous sommes au dernier étage et à 4000 mètre d’altitude ce n’est vraiment pas une partie de plaisir, monter les escaliers est une épreuve pour les poumons. La vue de la terrasse donne directement sur la mine. La nuit le flanc de la montagne est parsemé de petites lumières jaunes derrière lesquelles on imagine les mineurs travailler. L’altitude me fait l’effet d’une chape de béton (ou d’une énorme gueule de bois). Mal de crâne et jambes lourdes. Je me traine avec les autres dans une pizzeria où Jack était déja allé à son premier passage à Potosí. Holly est aussi atteinte du Soroch depuis le salar d’Uyuni et n’est pas en grande forme non plus. Après une délicieuse pizza nous rentrons nous coucher. Allongée sur mon lit je me sens oppressée, mon cœur bat la chamade et ma tête va exploser. Du coup je descend dans la salle commune et me recroqueville dans un fauteuil. Vu que la concierge semble dans un pire état que le mien pour une raison que j’ignore, j’accueille quelques voyageurs, une tasse de maté de coca à la main et l’œil hagard. Hadrien, qui travaille comme un fou sur le site me tient compagnie et me prépare des litres de maté de coca en prévision de cette nuit difficile. Nous finissons par remonter dans notre dortoir à la vitesse fulgurante d’une marche par demi-heure. Je me sens encore plus mal allongée (oreilles qui bourdonnent et tachycardie : youpi). Le lendemain je n’ai qu’une envie, quitter la ville et descendre en dessous des 4000. Tant pis pour la visite de la ville.

Marché sucré

Mardi 11 mars

Au petit-déjeuner, nous retrouvons les deux voyageurs avec qui nous avons discuté pendant la nuit. C’est un espagnol et une chilienne qui partagent la route en Bolivie. Il a fait du volontariat en pleine forêt, peut-être feront-nous cela la prochaine fois ? Après avoir salué Kirsten, Jack et Holly nous sautons dans le premier bus pour Sucre, la « ville blanche ». Chaque mètre qui me rapproche du niveau de la mer me donne envie de danser le mia même si je n’en suis pas encore tout à fait capable. Au détour d’un virage, nous nous étonnons de voir apparaître de la neige. Puis de la voir disparaître quelques minutes plus tard.

|H| À peine arrivés à Sucre, nous partons immédiatement en quête d’un billet de bus pour La Paz, départ le lendemain. On obtient des sièges à l’avant du bus, avec vue panoramique sur la route. En Argentine, il faut être dans les premiers à réserver pour avoir ces places ; il faut croire que les boliviens sont méfiants. Ensuite, direction l’auberge. Comme le terminal est à bonne distance du centre, nous allons prendre les transports en commun. Nous demandons conseil à un policier qui devait s’ennuyer, puisqu’il il nous sort une carte et son stylo pour nous montrer ce qu’il faut voir à Sucre. Il ne devait pas le savoir que nous sommes français, car il nous recommande l’imitation de Tour Eiffel dans le parque Bolivar – on voit l’originale régulièrement. Pour prendre un minibus, c’est simple, une fois que l’on sait la direction de sa destination, il suffit de prendre un minibus qui passe par là et qui indique sa destination par un petit carton. Avec nos sacs monstrueux, le trajet est compliqué, il y a un monde fou et les bus sont étroits. Avec ma tête et mon sac, je me cale au plafond, pas moyen de m’accrocher. Grâce aux adorables passagers du bus, nous arrivons sans encombre sur la place principale, Plaza de Armas. De là, il est facile de se repérer, surtout quand on a un plan dans le guide du Routard. À l’hostal Cruz de Popayan, quasiment vide, nous nous installons dans un dortoir pour nous tous seuls. Le lieu est agréable, des cours permettent de se relaxer et le petit-déjeuner se prend dehors.

Jum a besoin de repos, elle ne se sent pas encore dans son assiette. Nous faisons une sieste réparatrice, mais Jum a encore des douleurs dans la cage thoracique. Je lui propose d’aller chez le médecin, nous partons donc pour voir le docteur quadrilingue de Sucre. Manque de bol, sa sonnette fonctionne mais personne ne répond. Pas question de se laisser abattre, c’est parti pour une promenade jusqu’au marché couvert. Nous faisons notre chemin entre les centaines d’écoliers, collégiens et lycéens qui sortent des cours. Tous portent un uniforme, aux couleurs et écussons différents selon les établissements. Au marché couvert, nous nous empressons de dévorer un excellent sandwich (moi deux) avec de l’excellente charcuterie chez Las 7 Lunares (pour des photos, jeter un œil à cette page, sixième photo). La combinaison pimentée est délicieuse, le service est adorable (échantillons de charcuterie pour patienter), une réussite. Puis, nous allons rincer tout ça avec un jus de fruit frais pressé. Les prix sont imbattables, les jus délicieux et surtout, il est possible de les commander sans eau ni lait.

Marchande de jus de fruits

Marchande de jus de fruits

Les marchandes de jus mettent en exposition leurs plus beaux fruits. Difficile de choisir entre toutes, nous finissons au pif au comptoir de celle qui nous parait proposer les combinaisons les plus appetissantes. L’endroit est convivial, on peut s’assoir sur un tabouret pour savourer son jus. Et, le mieux, c’est qu’on n’a pas droit à un, mais deux grands verres pleins chacun.

Deux bons purs jusFruits en vitrine

Derrière nous, c’est le coin des vendeurs de patates et leurs énormes sacs. Ils prennent place dans la jolie cour du marché.

Mardi des patates

Mardi des patates

Pour préparer un bon repas, nous faisons ensuite le tour des étals à légumes. Encore un peu approximatifs en négociation, nous essayons au moins de varier les fournisseuses. Tomates, oignons, carottes, avocats et fromage remplissent notre panier. Pour les avocats, nous sommes allés à l’étage, où les restaurants sont tous fermés. Les vendeuses d’avocat tentent toutes de nous faire acheter chez elle. Nous goûtons un très bon avocat chez une vendeuse, et lui demandons de bons avocats comme celui-ci. Mais les quatre que nous achetons seront pourris et immangeables. C’est ce qu’on appelle une arnaque.

Vieille casera

Vieille casera

La pesée

La pesée

Sur la route, nous reluquons les boîtes hermétiques, puisque celle que nous avions depuis Buenos Aires s’est cassée. Les vendeurs nous proposent des prix prohibitifs, pas question de se faire avoir pour de la camelote. Nous passons notre chemin. Nous regagnons l’auberge, encore un poil claqués. Après l’épreuve du soroche, les draps nous tendent les bras. On ne résiste pas.

Ville blanche

Mercredi 12 mars

La journée commence tranquillement avec un petit-déjeuner minimal mais bien agréable dans la cour. Jumaï n’a presque plus mal, l’avis d’un médecin n’est plus d’actualité. Le programme touristique du jour est chargé, vu que nous partons à 19h pour La Paz. D’abord, un tour par la légende de la salteña de Sucre : El Patio. Même si les salteñas ressemblent aux empanadas, elles sont différentes au goût et culturellement. On les mange avant midi, donc El Patio ferme… à midi pile. Nous arrivons juste avant la fermeture, et goûtons ces merveilleuses pâtisseries. Pour le voyage de cette nuit, on s’en prend même deux de plus, mine de rien ces petites choses calent bien. Le cadre lui-même du Patio est parfaitement accordé avec la richesse du goût des salteñas. Juteuses, pas sèches du tout, les salteñas sont servies élégamment, sous le regard inquisiteur de la patronne derrière son comptoir.

Salteñas du Patio

Salteñas du Patio

Nous allons ensuite au parque Bolivar, pourvu d’une imitation de Tour Eiffel – recommandation du gros policier de la gare. Sur la route, je prends quelques photos des intrigants minibus Nissan Civilian. Certains arborent encore des caractères kanjis (communs avec le chinois) voire des caractères syllabiques kana. Difficile de vérifier, mais je pense que, d’après leur date de construction (fin années 80 / début années 90), ils sont réutilisés maintenant après avoir servi au Japon – ou en Chine ?

Nissan Civilian W40 de 1988

Nissan Civilian W40 de 1988

C’est aussi la pause du midi, et comme souvent, les rues de Sucre sont bondées d’écoliers. Les policiers complètent les zèbres à la circulation. Les zèbres, on l’apprendra plus tard, sont des étudiants déguisés (et payés), chargés de sécuriser les traversées d’enfants sur les passages piétons. Leur présence est quotidienne dans toute la Bolivie.

Zèbres assistant à la circulation

Zèbres assistant à la circulation

Écoliers à l'assaut des rues

Écoliers à l’assaut des rues

Si c’est bien à La Paz que siège le gouvernement, c’est Sucre la capitale constitutionnelle de la Bolivie. Le siège de la Corte suprema de justicia y siège et fait face au parque Bolivar. Comme le reste de la ville, le bâtiment illustre le nom de Ville blanche. Esthétiquement, ce n’est toujours pas dans mes canons, mais qu’importe, dans le contexte ça ne me dérange pas. Devant le siège de la cour suprême, un arc dans le même style fait la jonction avec le parque.

Sede de la Corte suprema de justicia

Sede de la Corte suprema de justicia

Au parc entre copines

Au parc entre copines

À la suite d’un groupe d’écolières, nous rentrons dans le parc. Nous savourons la sensation de fouler du pied le Champ de Mars de Sucre. Face à nous, elle se dresse, majestueuse et joliment proportionnée. Ses formes rondes s’agencent parfaitement avec ses triangulations, et d’en haut on a une vue spectaculaire sur la ville… Bon, sans rire, ce bout de ferraille, construit par les bourgeois locaux, est sans doute la construction la plus grotesque qui puisse exister. Si la copie avait été juste un redimensionnement à l’échelle, pourquoi pas, car n’est pas Eiffel qui veut. À la place, les constructeurs ont préféré y coller un escalier désagréable à monter, dans une tourelle sans élancement. Et pourquoi diable ces horribles arrondis, qui lui donnent cet air de pâté obèse ? Rien, à part le mauvais goût de ses commanditaires, ne peut expliquer cette monstrueuse verrue.

Imitation de tour Eiffel

Du haut de la tour Eiffel 2

Imitation de tour Eiffel

Au bout du parc, une statue a été couverte de feutre. Est-ce le travail d’écoliers désœuvrés ? Plus loin, une gare désaffectée, l’Estacion Presidente Arce, semble aujourd’hui servir de bâtiment public. Des grilles et une étroite surveillance nous empêchent d’accéder au terrain vague derrière.

Estación Presidente Arce

Estación Presidente Arce

Nous revenons ensuite sur nos pas par une rue plus calme que celles du centre-ville, parallèle au parque Bolivar. Nous voulons maintenant aller au museo Charcas, qui renferme de nombreux objets archéologiques et culturels boliviens. Sur le chemin, nous passons par une place, et qui voilà ? Raphaël et Laure, nos belges préférés ! Nous échangeons nos expériences similaires récentes, depuis notre dernière rencontre aux geysers. À vrai dire les revoir une dernière fois n’est plus une surprise tant nos chemins se sont croisés. Mais comme ils ne vont plus dans notre direction, on échange les coordonnées. Comme ils ont la dalle et qu’on les fait saliver en parlant des salteñas, notre réserve tombe à pic ! Le verdict est unanime. Qui sait, peut-être qu’on se recroisera en Belgique ou en France ?

De nouveau en route, nous passons par la Universidad San Francisco Xavier de Chuquisaca, la deuxième plus vieille université des Amériques.

Universidad San Francisco Xavier de Chuquisaca

Universidad San Francisco Xavier de Chuquisaca

Avant d’arriver au musée, nous faisons une halte à la Plaza de Armas que nous n’avons pas encore réussi à visiter malgré notre passage régulier. Une jeune fille nourrit une foule de pigeons qui la suivent. Sur son passage, les ailes bruissent, la masse se déforme et se reforme. Certains volatiles échappent au mouvement de masse et se perchent sur la statue d’Antonio José de Sucre, héros national aux côtés de Simón Bolivar.

La jeune fille aux pigeons

Antonio José de Sucre

Plaza de Armas : pigeons et héros

Plus que quelques rues avant d’enfin arriver au musée. La promenade se termine sous des arbres fleuris.

La dame sous les arbres

La dame sous les arbres

Le museo colonial Charcas n’est qu’une partie du musée principal de Sucre. Sans le savoir, nous n’allons pas le visiter et nous contentons de la partie anthropologique et d’art contemporain de Sucre. Assez rudimentaire, le musée présente en bas des œuvres picturales et sculpturales de qualité inégale. De belles toiles dans le lot, dommage qu’on ne les retrouve pas sur internet (on peut néanmoins voir quelques travaux de Jorge Imana Garron sur son site). En haut, le musée anthropologique est bien espacé et permet d’admirer des momies, crânes trépanés ou déformés, et nombreuses céramiques. Dans la continuité, les salles ethnographiques comportent d’appréciables explications, maquettes des pratiques culturelles, masques, objets en tous genres. D’une taille parfaite et pas très visité, le musée est un peu foutraque mais vaut le détour, au moins pour ses saisissantes momies et expériences crâniennes antiques.

Crânes du musée Charcas

Crânes du musée Charcas

Employé municipal du museo Charcas

Employé municipal dans la cour du museo Charcas

Dans l’agréable cour du musée, un employé retire des feuilles mortes autour des plantes. Nous passons d’une cour à l’autre en allant visiter celle, fleurie, de ce qu’il nous semble être l’Instituto Cultural Boliviano Aleman.

Cour de l'Instituto Cultural Boliviano Aleman

Cour de l’Instituto Cultural Boliviano Aleman

Après avoir bien profité de la ville, il est temps de penser au départ. J’accompagne Jumaï chez un marchand de chapeaux, vendus à un prix d’usine (la fabrique est à côté) et de grande qualité. Pendant que Jum choisit et essaie, je file à l’auberge et négocie d’utiliser la cuisine – normalement réservée au personnel – pour préparer nos victuailles. En mode camping, je prépare un guiso avec nos légumes et bouillons cubes. Lorsque Jumaï arrive, je réalise qu’on n’a pas d’ail, cet ingrédient magique qui améliore tous les plats ! Je pars donc en quête du supermarché SAS, sensé être pas loin de l’auberge. Sur la route, je tombe surtout sur une boutique qui vend des tupperware d’occasion ! C’est le paradis de la boîte en plastique hermétique, les étagères en sont remplies, et pour un très bon prix je repars avec un vieux tupperware comme neuf. Le bonheur ne tient pas à grand chose. Pour ce qui est du supermarché, en revanche, je commence à vraiment me perdre entre les rues baroques de Sucre. Je demande mon chemin à une dame pressée. Elle prend son temps pour me répondre mais me perd encore plus. Plus loin, alors que je désespère de voir ce foutu supermarché – j’aurais plus vite fait d’aller au mercado central – un monsieur, par chance, y va aussi et m’accompagne. Je lui dis que je suis français, il me rassure : lui aussi, il est étranger, il vient du Paraguay. Un vrai chic type en tous cas. Enfin au SAS, il me quitte sur la phrase « voilà, ici tu peux acheter tout ce que tu veux ». Je n’ai acheté que de l’ail.

Le retour est d’une effarante simplicité. Avec le temps passé à me perdre, Jumaï a eu le temps de terminer et commencer à se demander ce que je pouvais bien glander. Nous sommes enfin prêts à partir, en route pour de nouvelles aventures. En me perdant j’ai pu repérer les rues voisines où nous devons prendre le bus. Avec les embouteillages d’heure de pointe, on n’est pas sûrs d’arriver. On hésite à prendre un bus qui passe plus tôt, mais le chauffeur nous déconseille : il fait un long détour. On finit par arriver au terminal, et ici l’embarquement est radicalement différent de ce que nous connaissons. Il faut aller au guichet de l’agence pour qu’ils pèsent les bagages et les fassent descendre dans le bus. Il faut ensuite se rendre sur le quai d’embarquement (moyennant une taxe d’entrée, systématique en Bolivie) pour voir son sac descendre par des cordages (!). On peut ensuite les faire placer dans la soute du bus. En attendant nos sacs, on discute avec un couple de jeunes Néerlandais, l’occasion de placer quelques mots hésitants en langue batave. On se quitte en montant les marches du bus : « à demain ! »

Le voyage se passe sans anicroche, c’est même plutôt agréable de voyager devant pour la première fois. Je mange la dernière salteña et goûte un peu de notre pitance, Jumaï n’a pas très faim. À défaut de toilettes en état de marche, le bus s’arrête dans un bled glauque où certains voyageurs prennent un truc à manger. La plupart des types savent pisser dans la rue sombre à côté, moi pas. Je fais donc la queue pour les toilettes publiques de la gargote. On remplit le réservoir de flotte au seau d’eau, ça a l’avantage d’être rapide. Il nous fallait bien un contact avec les tréfonds de la Bolivie.

Nuages et monts

Terre et ciel

8 Mai

Lever de soleil sur le salar d'Uyuni

Jungle d’agences

Mercredi 5 mars

|H| Pour pas très cher et avec un bon confort, prendre une navette est la meilleure solution pour rallier Tupiza. À notre arrivée, c’est parti pour la recherche d’une auberge. La première, conseillée dans le routard, a son wi-fi en panne, donc nous allons voir leur autre adresse située un peu plus loin. Sur la route, un rabatteur, Jaime, nous propose un bon prix pour l’hôtel Pedro Arraya, et évidemment un tour au salar. On passe quand même par l’auberge prévue, Valle Hermoso, et y retrouvons deux français que nous avions rencontré au départ d’Humahuaca : Elsa et Maxime. Les deux se sont rencontrés en voyage et progressent ensemble depuis quelques temps. Au moment où nous entrons dans le hall, ils discutent d’un prix pour un tour. Nous les saluons, commençons à bavarder, ce qui n’est pas au goût du patron. « Arrêtez de leur parler ! Ils n’ont pas besoin de vous pour savoir ce qu’ils ont à faire ! » Très bien mon gars, tu viens de perdre cinq clients potentiels. Dans la jungle des agences de voyage, en voilà une qui est éliminée d’office.

Nous choisissons donc d’aller à l’auberge d’en face, et commençons à nous renseigner sur le tour avec Jaime. Sa proposition de prix est honnête, mais nous préférons courir les agences pour nous assurer de faire le bon choix. Le choix est pléthorique, mais très peu d’agences sont fiables. Après en avoir visité une bonne dizaine, nous sommes même certains que la plupart sont des façades pour une seule et même entreprise. Nous prenons nos quartiers dans le dortoir du haut, dépourvus de casiers mais le coin est plutôt tranquille. Au programme désormais : manger une bonne pizza. Dans une adresse touristique et pas très bon marché, nous attendons un bon moment mais ça finit par arriver. Heureusement les pizzas sont à la hauteur. Il n’est pas tard, donc en rentrant nous passons par quelques agences, certaines connues, d’autres non. Toutes proposent un prix équivalent, et en creusant un peu on obtient toujours un rabais de 150 bolivianos (environ 15 euros), sans jamais descendre en dessous de 1050 bolivianos. Difficile de comparer en se basant sur le discours arrangeant et mieleux des conseillers. Après concertation, nous préférons nous diriger vers une agence réputée plutôt que de chercher à économiser à tout prix. Demain nous ferons notre choix définitif.

Fausse frayeur

Jeudi 6 mars

Aujourd’hui, c’est temps libre pour chacun. Jumaï, Tracy et Matias vont faire du cheval avec l’agence de l’hôtel ; Jamie va tenter de louer un vélo et moi, je ne vais rien faire. Nous commençons bien la journée avec un petit déjeuner dans un joli jardin juste à côté de l’auberge. Matias, Jumaï et Tracy restent sur des saveurs classiques avec des toasts, jus de fruit et boisson chaude. Jamie et moi tentons une préparation de type humita avec viande enveloppée dans une feuille de maïs. Les prix sont élevés, mais le cadre est plaisant. Ensuite, nous terminons notre tour des agences par la plus connue et la plus ancienne, Tupiza tours. Comme nous sommes cinq, ils nous proposent de partager une cuisinière pour deux voitures pour que nous ayons plus de confort. Tous les tours ont toujours un chauffeur-guide et une cuisinière dans la voiture, ce qui limite les places disponibles à cinq. Ainsi, nous pourrons être à l’aise dans une voiture rien que pour nous, et rencontrer d’autres personnes durant le tour. Assurance de leur professionalisme, Tupiza tours nous propose de rencontrer le chauffeur si nous le souhaitons, mais je serai le seul présent à ce moment-là.

Pendant que Tracy, Matias et Jamie rentrent à l’hôtel, Jumaï et moi passons par les dernières agences envisagées. Grano de oro propose un itinéraire différent pour le premier jour, donc un peu plus passionnant. Mais nous ne trouvons toujours pas le critère déterminant pour nous décider. Notre choix se porte soit sur la moins chère de toute, celle de l’auberge, ou la plus réputée, celle de Tupiza tours. Juste avant le départ des trois cavaliers nous finissons par réserver chez Tupiza tours, paiement en cash, rendez-vous demain à 7h30.

Promenade à cheval

Promenade à cheval

Pendant la cavalcade des trois mousquetaire, Jamie et moi en profitons pour faire une sieste, puis partons nous promener chacun de notre côté. Lui cherche un vélo à louer, moi deux paires de lunettes de soleil et des chapeaux ; nous avons perdu une paire de lunettes depuis un moment et n’allons pas risquer nos yeux au salar. Je passe par le marché dans la rue, dédié à des contrefaçons en tous genres… mais pas de chapeau, ni de lunettes de soleil. Le marché noir, couvert et immense, me donne plus de chances et après avoir fait le tour, je finis par négocier la paire à 23Bs au lieu de 25. C’est la première fois que je discute un prix, mais la vendeuse ne me semble pas très réceptive et peu joueuse. On est en Bolivie, la négociation n’est pas une religion. Pour le chapeau, je comptais en trouver un drôle et pratique, mais le choix n’est pas génial. À travers les rues animés de Tupiza, je rentre tranquillement et achète de la coca à un vendeur ordinaire. On n’achète pas de la coca à des dealers, mais chez n’importe quel commerçant ; ici les feuilles à mâcher sont considérées, à raison, comme partie de la culture. Petit rappel aux lecteurs : même si elle est interdite en France en tant que stupéfiant, la coca n’est en fait ni une drogue, ni un psychotrope. Son effet est interne, puisqu’elle permet de fluidifier le sang (donc aider contre le mal des montagnes) et agir comme coupe-faim. Il ne faut donc pas la confondre avec son produit dérivé, la cocaïne, très dangereuse et vendue pourtant en quantité dans les pays occidentaux.

De retour à l’auberge, je croise Jamie qui n’a pas réussi à louer un vélo, il s’est donc contenter de courir. En tant que prof de tennis, il fait attention à sa forme et se réveille quotidiennement avec une série de pompes. Nous montons ensemble dans la chambre, les trois cavaliers sont rentrés. Comme deux adolescents qui fument leur première cigarette illégale, Jamie et moi goûtons la coca tout excités. Déjà accroc au maté, Jamie est ouvert à toute découverte locale, et même si la coca n’est pas spécialement une plante délicieuse, c’est une expérience amusante de la mâcher. Tracy n’est pas du même avis et crache sa dose. Jumaï et Matias restent mitigés et n’en prennent pas ce soir. En sortant chercher un lieu pour manger, nous croisons Maxime, inquiet de ne pas voir Elsa revenir. Il y a plusieurs heures, il a reçu son dernier messages depuis un cybercafé où elle parlait avec son copain sur Skype. Depuis, plus rien. Nous partons à sa recherche avec un autre français qui part avec le même tour que Maxime, demain. Elsa, elle, ne s’est pas décidée, elle n’a pas réussi à faire venir son amie restée à Uyuni. En attendant, l’inquiétude monte en passant par tous les lieux où elle pourrait être. Au cybercafé, personne ne nous donne de réponse, « je ne peux pas faire attention à la tête de tout le monde. » Au commissariat, le gros policier, affalé sur son fauteuil, se contrefout de savoir qu’une jeune étrangère puisse avoir disparu. Il appelle quand même une collègue, pas d’informations. À l’hôpital, pas non plus de trace d’Elsa. Nous rentrons bredouilles à l’hôtel, duquel Maxime contacte Elsa sur Facebook. Et là… miracle ! Elle répond « t’es où ? » alors que nous venons de la chercher pendant une bonne heure. Elle est en fait dans un autre cybercafé, toujours en ligne avec son petit ami. Au moins avons nous la conscience tranquille. Empathiques pendant la recherche de la disparue, un américain et une finlandaise du même dortoir nous conseillent une polleria pour manger. C’est parti pour trouver notre bonheur !

Tous ensemble, nous passons devant le cybercafé où notre disparue c’était planquée. Elle y reste et nous marchons de nouveau, jusqu’à tomber devant une parrilla appétissante, mais encore touristique. Jamie et moi faisons pencher la balance pour l’adresse d’en face, un boui-boui qui sert du poulet, du bien local. Allez, nous prenons le risque d’empoisonner tout le monde. Nous commandons un quart de poulet chacun avec assortiment de riz et frites. La garniture, du surgelé, est sans intérêt ; mais le poulet est à tomber par terre. La patronne nous explique son assaisonnement qui donne cette couleur verdâtre inquiétante à la chair du poulet. Pour un prix défiant toute concurrence, nous sommes remplis et bienheureux. On a entendu beaucoup de commentaires sur l’omniprésence indigeste du poulet en Bolivie. Si je pouvais manger ce type de poulet tous les jours, je le ferais ! Vive les pollerias ! Petite crispation pendant le repas pourtant : j’ai complètement oublié d’aller rencontrer notre chauffeur de demain. Espérons que nous n’aurons pas de mauvaise surprise. Maintenant, il s’agit de ne pas faire de vieux os, nous devons nous lever tôt demain, au dodo !

Premier jour : mission d’exploration interstellaire

Vendredi 7 mars

Jumaï et moi sommes rapidement sur pied et prêts, nos trois amis pas encore. Bien en avance, nous nous pointons chez Tupiza tours, et juste à l’heure, Tracy, Jamie et Matias pointent leur nez. Parfait ! On nous reproche de ne pas avoir été là la veille. Désolé ! J’avais des lunettes de soleil à acheter. Nous chargeons la voiture avec notre chauffeur guide, Poli. Très gentil, il n’est cependant pas très causant. À voir comment ça va évoluer. Cette journée se déroule quasiment exclusivement sur la route. Nous traversons de superbes paysages. D’abord, quelques jolis panoramas de montagnes.

Premier mirador sur les montagnes

Premier mirador sur les montagnes

Jamie et Hadrien gâchent le panoramaMonstres de cailloux
PicotsPause clope en altitude

Premiers regards sur le paysage

Nous nous arrêtons ensuite dans une plaine où broute un troupeau de lamas. Chaque pause est appréciable, je suis assis à l’arrière et la banquette ne laisse pas de place pour les jambes. Heureusement que nous ne sommes pas une personne de plus à bord, ça permet aux passagers du milieu de dormir. C’est mieux pour Tracy, un peu malade (type grippe/gastro). Pour en revenir aux lamas, ceux-ci sont coiffés de rubans roses. Pour les différencier ? Perdu ! C’est pour le carnaval.

Lama aux rubans roses

Lama aux rubans roses

Petits lamas

Petits lamas

Sur notre route, nous voyons des villages paumés où, visiblement, il y habite toujours des gens. Certains font même des processions pour carnaval. À chaque arrêt, nous sommes relativement nombreux, ne serait-ce qu’avec notre agence. Les 4×4 s’accumulent, ce sera peut-être l’occasion de rencontrer des gens. Au loin, des montagnes enneigées, puis nous arrivons au village abandonné de San Antonio de Lípez. Comme Poli est avare en explications, il nous passe un bouquin. Selon la légende, c’était une riche ville minière corrompue par l’argent et le vice. Les ennuis arrivent quand le Diable débarque. L’histoire devient de plus en plus complexe entre des maladies, des sorcières, des pactes avec le Diable, etc. En bref, tout le monde déserte le bled par peur de lui, et c’est ainsi qu’il n’y a plus âme qui vive dans ce village colonial. On ne trouve pas vraiment de détails terrifiants, les murs effondrés se suffisent à eux-mêmes. Le plus intéressant est l’église et son grand escalier. Jamie, fan de wc (baños en espagnol), prend la pose pour un projet secret en cours.

Baños dans l'église du Diable

Baños dans l’église du Diable

Ruines de San Antonio de Lípez

Ruines de San Antonio de Lípez

C’est déjà la fin de la journée. Avant le crépuscule, nous nous arrêtons à un point haut, très haut même, 4855m d’altitude, duquel nous pouvons observer la laguna Morejon. Depuis le début du voyage, nous montons progressivement au-dessus des critiques 4000m. La coca mâchée nous aide à surmonter l’épreuve, mais elle ne nous évite pas les maux de tête et de ventre, sans oublier les difficultés respiratoires. La coca a aussi un atout social, les boliviens en raffolent et acceptent volontiers quand on leur en propose. Poli mâche en conduisant, Modesta garde sa poignée dans les poches de sa robe. À tous les voyageurs au salar, achetez-en, vous ne pouvez pas les décevoir avec des feuilles de coca. Sur le point haut, nous admirons la vue, entourés d’empilements de pierres. Matias signe le sien.

Empilements et jolie vue

Empilements et jolie vue

Et bim !Vue scénique
Matias en pleine créativitéChrone
Coucher de soleil

Fin de journée en altitude.

Avant le repos du guerrier, nous passons l’entrée du parc national et nous acquittons de nos droits d’entrée. Maintenant, nous sommes prévenus, interdit de tuer les flamants roses ! Nous arrivons dans notre refuge pour la nuit. Le premier logement est dépourvu de douche, et très sincèrement ça n’a pas d’importance. À notre arrivée, une table garnie de petits gateaux et eau chaude pour du thé nous attend. Les trois voyageurs avec qui nous partageons la cuisinière sont déjà attablés : Jack et Holly, un couple d’anglais, avec Kirsten, new-yorkaise de 24 ans. Nous parlions déjà anglais tout le temps, ça ne risque pas de changer avec tous ces anglophones. Au moins nous ne sommes pas dans le club des franco-français voisin qui joue bruyamment aux cartes, Jumaï peut commencer à pratiquer son anglais. Un peu plus tard, c’est notre cuisinière, Modesta, qui rentre en scène. Une bolivienne pur sucre avec son chapeau, ses nattes, sa robe colorée et ses formes généreuses. Elle nous apporte un repas tout chaud, pas formidable mais largement suffisant pour ce soir. Nous faisons connaissance avec nos co-voyageurs : Holly est la copine de Jack, qui est cadreur pour National Geographic, et Kirsten est écrivain. Puis Raphaël (le guide de l’autre voiture) et Poli viennent présenter le plan de demain. Notre guide termine bien vite sa courte présentation, tandis que Raphaël fait le job, il donne des des détails et fait des blagues sur l’itinéraire. On ne peut pas avoir un guide enthousiaste à tous les coups, au moins Poli est-il un excellent et très gentil conducteur (il nous donne des sucettes), ce qui nous suffit amplement. Pas plus tard que nos guides, nous allons nous coucher, impatients de voir la suite. Nous nous attendions à des lits de camps inconfortables – il faut apporter son sac de couchage – mais nous avons de bon lits moelleux et propres. Pas si mal ! Il faut dire que la plupart des gens viennent ici pendant l’hiver (été en Europe), ce qui paraît un peu étrange quant au climat sévère de la zone.

Premier

Deuxième jour : borax, détergent, souffre et autres toxiques

Samedi 8 mars

La nuit n’a pas été de tout repos. L’altitude me force à réfléchir pour respirer, ce qui n’aide pas à dormir. Je pense dormir dans la voiture dès que l’occasion se présente. En attendant, nous avons de la coca en réserve pour tenir pendant les quelques pauses qui nous attendent. La première est très divertissante, puisque nous allons visiter des amis lamas encore dans leur enclos nocturne, ils sont libres toute la journée. Bien réveillés, ils nous font parfois rire (hilarante rumination), parfois peur quand leurs oreilles se plient vers l’arrière, signe d’un crachat imminent. Nous avons échappé de peu à la sanction du capitaine Haddock.

Lama ruminant
Attention, crachat à l'horizonMaisons d'éleveurs
Enclos nocturne des lamasBolivie représente

Nos amis les lamas

Cette journée s’annonce plus riche que la précédente, nous allons visiter plusieurs lagunes et déserts en enfilade. D’abord, première rencontre lointaine avec les flamants roses dans la laguna Hedionda sur. Le sol, toxique, peut tuer un cheval en trente secondes – non, ça c’est faux.

Laguna Hedionda

Laguna Hedionda

Cercles extraterrestres

Cercles extraterrestres

Ne pas toucherEn vrai les flamants roses étaient plus près
Vue sur la lagunaArrêts de 4x4

Nous débarquons peu de temps après dans un site d’exploitation de kollpa, matière utilisée depuis longtemps en tant que détergent. Je marche sur les petits chemins entre les bassins d’exploitation pour aller voir les flamants roses de plus près, avant que Jumaï me rappelle : je reste toujours trop longtemps sur chaque site.

Les flamants roses aiment le détergent

Les flamants roses aiment le détergent

Les flamants roses aiment le détergent

Plus tard, nous repasserons par le salar de Chalviri que nous passons à vive allure. Pour l’instant, direction la laguna Verde. Sur la route, nous nous arrêtons au bien-nommé Désert de Dalí. Quelques cailloux éparpillés plantent le décor surréaliste de l’endroit.

Panorama du désert de Dalí
Pierres picturales
Marche vers le destinPalette de montagnes
Synchronisation ?Panorama désertique

Dernière étape de la matinée avant de manger, la laguna Verde détient une particularité unique, à laquelle nous avons la chance d’assister. Elle change de couleur en fonction du vent et du soleil, généralement autour de 11h, passant du miroir à un bleu turquoise de toute beauté. À notre arrivée, nous pensions avoir raté le processus, jusqu’au moment où Modesta affirme voir la couleur changer à droite. D’abord incrédule, je prends l’appareil photo et me mets près de Jack, équipé de son Canon 5D, une bestiole autrement plus professionnelle que la nôtre. Il a mis en route un déclencheur automatique toutes les quatre secondes pour faire un accéléré avec toutes ses images. Malheureusement, il faut un logiciel spécial, Magic Lantern, pour pouvoir faire pareil avec notre appareil. Je me résigne donc à faire les photos une par une, manuellement, l’appareil posé sur un rocher. Le résultat aurait pu être meilleur, mais pire aussi !

Laguna verde avant le changement de couleur

Laguna verde avant le changement de couleur ; derrière le volcan Licancabur, c’est le Chili.

Laguna verde après le changement de couleur

Laguna verde après le changement de couleur ; magique ! Derrière le volcan Licancabur, le Chili a disparu !

Panorama de la laguna verde
Photo de groupe devant la laguna verde

Pendant que je m’appliquais sur mes photos, Jumaï parle avec des voix bien connues, celles de Raphaël et Laure ! Ils sont allés au Chili aussi (voir l’épisode sur Valparaíso), et avec le temps supplémentaire que nous avons pris pour parcourir le Nord argentin, ils nous ont rattrapés. À peine leur ai-je dit bonjour que nous repartons déjà en 4×4. Le temps est toujours trop court ! Si seulement c’était possible, ce serait formidable de pouvoir louer un véhicule et faire tout se parcours entre copains, avec ses propres réserves. En vérité, le chemin est vraiment difficile et nécessite une conduite exmplaire, notamment pour traverser des gués ou éviter de dangereuses roches. Poli est indispensable ! Il nous ramène à notre halte du déjeuner près du désert de Chalviri. Les toilettes sont payantes, donc je vide ma vessie dehors, et une gamine du coin me fait la morale. J’ai envie de lui dire que les lamas ne payent pas pour se soulager dans les prairies. Dans une salle commune surpeuplée, nous mangeons très bien, mais Tracy est malade et elle ne souhaite pas manger. Rassasiés, nous pouvons maintenant nous baigner dans la source chaude venant des sous-terrains. Autour, le salar est en partie recouvert d’eau. Les lamas marchent en ligne et animent ce magnifique paysage. (Si la première vidéo ne fonctionne pas, c’est un problème insoluble pour l’instant ; dans ce cas,
cliquez ici pour la voir sur flickr
)

[flickr video=https://www.flickr.com/photos/sansparapluie/14113229192]

[flickr video=https://www.flickr.com/photos/sansparapluie/13929755488]

Bonheur dans la source chaude

Bonheur dans la source chaude

Nous repartons sur la route après cette halte très agréable, presque trop chaude. Attention à la tête qui tourne quand on sort de l’eau. L’arrêt suivant est un peu plus impressionnant au petit matin, il s’agit de geysers crachant leur sulfureuse et odorante fumée. Au début de la journée, davantage de fumée sort des multiples trous en fusion. La boue bouillonne, les bulles éclatent, une cheminée fonctionne à plein régime. On resiste toutefois à la tentation de toucher à la boue en ébullition, on tient à nos doigts !

Cratères

Cratères

Cheminée

Cheminée

Théodore et Simba devant une cheminéeCuisson en cours
BubullesGoutte

Le tour des lagunes continue avec la Laguna Colorada, qui doit sa couleur à une forte concentration en algues rouges, dont les flamants roses raffolent. Ici, nous les voyons se nourrir en remontant le courant. Nous sommes à portée de vue, mais notre pauvre objectif 18-55mm ne permet pas d’en rendre compte. Une néerlandaise est justement en train d’essayer le téléobjectif qu’un compagnon de tour japonais lui prête. Jumaï s’immisce et emprunte le précieux au japonais ; elle peut tester le super zoom sur notre boîtier. La manipulation n’est pas aisée et il faut faire les réglages au jugé. Le résultat est souvent flou, mais plusieurs clichés sortent du lot.

Panorama de la laguna colorada
Flamants remontant le courant
Laguna Colorada à travers le murLaguna colorada fumante
Algues rougesColonie de flamants roses
Flamants gros plans 1
Flamants gros plans 2
Flamants gros plans 3

Le vent, très fort, oblige les flamants à contrer. L’un d’eux s’est rapproché du rivage, mais je n’ai pas l’appareil photo ! Je fais avec la Gropro, forcément le résultat n’est pas très bon, mais j’ai la chance de me promener seul avec l’oiseau pendant un petit moment. Et puis il est déjà temps de repartir, cette fois pour notre refuge. Nous y retrouvons Holly, Kirsten et Jack. La fin de l’après-midi est bien agréable au chaud, on discute autour d’un thé, Kirsten écrit dans son carnet de voyage (en retard, comme nous !), Tracy récupère dans notre chambre, Jamie va courir (!). Autour de nous, certains touristes craignent cependant la fin de leurs batteries d’appareil photo. La seule possibilité pour les charger est d’aller voir les propriétaires du refuge et laisser en charge les appareils dans leur cuisine, c’est mieux que rien. Après un repas bien copieux, les contrariétés commencent. Jumaï fouille dans ses affaires et confirme le doute qu’elle avait : elle a bien perdu son mérinos Ice Breaker à Tupiza. Les propriétaires de l’auberge n’étant pas vraiment sympathiques, aucune chance pour qu’on le retrouve un jour. Tout au plus nous répondrait-il un « no sé » tintinesque.

N o S é

Jusqu’ici, nous n’avions pas perdu beaucoup de choses. Malheureusement, ce mérinos faisait partie des objets de valeur, et nous n’arrivons pas à nous souvenir où et comment nous l’avons abandonné. Jum a le cafard maintenant, mais ça va passer. La vie continue, elle ! Plus tard, alors que la salle commune commence à se vider, je croise quelques cuisinières, dont Modesta, bourrées comme des coings. Elles seront quand même au pied de guerre demain matin !

Troisième jour : océan de roc

Dimanche 9 mars

Avant toute chose, nous revenons à la Laguna Colorada. De ce point de vue, la laguna reflète les montagnes, elle n’est pas rouge !

Laguna colorada d'un autre point de vue 1
Laguna colorada d'un autre point de vue 2

Laguna colorada d’un autre point de vue

Pas loin de la Laguna Colorada, des cailloux posés dans le désert de Siloli ont des formes d’arbres. L’arbol de piedra est l’un d’eux, et vous aurez probablement l’impression de l’avoir déjà vu tant il est célèbre.

Arbol de piedra

Arbol de piedra

Sur les énormes rochers, chacun escalade pour obtenir la photo la plus impressionnante. Avec Jumaï, nous allons un peu plus loin que là où tous se concentrent. Curieusement, un bâtiment hideux a été construit à l’abri du regard, probablement pour des gardiens. Si on en revient au décor, il nous fait penser à Tatooïne. Là, on aimerait bien avoir la voiture de Luke pour parcourir le désert, et évidemment devenir chevalier jedi.

Gros cailloux
Fine limiteDebout
Bonhomme en ombres

Forêt de cailloux

Un peu plus loin, nous faisons une halte demandée par Jack, Holly et Kirsten. Ils ont schématisé une idée de photo d’eux avec la voiture, leur guide Raphaël et Modesta. On en profite pour copier ! Derrière nous, encore des montagnes aux superbes couleurs.

De gauche à droite et de haut en bas Jamie, Jumaï, Tracy, Modesta, Hadrien, Poli, Matias

De gauche à droite et de haut en bas Jamie, Jumaï, Tracy, Modesta, Hadrien, Poli, Matias

Montagne palette

Montagne palette

Vient ensuite le passage par cinq lagunes en enfilade. Nous passons la première, la laguna Ramaditas, après quoi nous nous arrêtons à la laguna Honda. À pied, nous faisons le tour pendant que notre voiture nous attend. On accède à la rive en descendant une colline de petits cailloux qui permet de faire une pause pipi dans les sillons. Le miroir d’eau en bas n’a pas une ride d’eau avant que Matias ne fasse des ricochets.

Panorama de la laguna Honda
Ricochet

Nous sautons la laguna Charcota et parvenons à la laguna Hedionda, où vivent des flamants roses. Cette fois, pas de blague, ils sont vraiment près ! Les becs des échassiers raclent le fond boueux. Là où vivent les flamants, ça pue toujours un peu, mais le spectacle en vaut largement la peine.

Flamants racleurs

Flamants racleurs

En clou de la visite, nous avons de nouveau droit à des flamants roses à la laguna Cañapa. Visiblement, il y a un hôtel ici, avec wi-fi. Qui sait, peut-être que ça attire quelques blasés de la nature ; internet est bien la chose qui me manque le moins à ce moment-là. Au bord de l’eau, des panneaux et bouteilles de plastique lestées interdisent formellement de s’approcher de l’eau. À cause de la toxicité du sol, peut-être, car le panneau n’est pas clair. Ça n’empêche pas certaines personnes de passer la frontière virtuelle en gloussant. Comme par hasard, ce sont…….. des Israéliens ! Une fois de plus ils attirent l’attention sur eux. La question n’étant pas tellement de savoir si oui ou non les barrières virtuelles sont légitimes, mais plutôt pourquoi les seuls qui ne captent pas le message sont toujours les mêmes. Pour en revenir aux choses positives, le paysage est une fois de plus magnifique et nous voyons nos derniers flamencos. Snif.

Flamants de la laguna Cañapa

Flamants de la laguna Cañapa

Après tous ces volatiles, nous allons manger entre les pierres dans un lieu visiblement connu des viscaches, sorte de rongeurs de la famille des chinchillas. Les guides connaissent bien la combine et les nourrissent pour épater les touristes. Il faut dire que la bébête est adorable et plus très farouche, pas au point de se laisser approcher cependant. Entre deux photos, nous mangeons en discutant, dans un soleil furieux et pas désagréable pour un sou.

Viscache en voie de domestication

Viscache en voie de domestication

Pause digestion

Pause digestion

Le bon côté d’un guide pas très bavard, c’est qu’on peut mettre la musique qu’on veut dans notre voiture. Seulement, il arrive que la clé USB de Poli reprenne le dessus quand personne ne branché son iPod. Nous avons droit alors à une liste de lecture éclectique (mais toujours bolivienne), le pire étant quand revient le « Justin Bieber » bolivien. Il chante (pardon, massacre), avec une voix suraigüe, des chansons populaires sud-américaines, dont une chanson argentine que Matias connaît bien. C’est un traumatisme auditif qui revient régulièrement nous hanter. Pour nous sauver, Vampire Weekend, Ratatat, Kings of Leon et des morceaux eparpillés servis par les appareils de Matias ou Jumaï. Jamie n’a pas sur lui les morceaux de son groupe ; ils ont eu du succès et de l’argent en Irlande en jouant des reprises. Jamie s’est bien essayé à l’écriture en arrêtant le travail pendant un an, mais la vérité, c’est que les gens aiment des classiques, et goûtent peu à de nouvelles sonorités.

Nous retrouvons les viscaches dans le site de la Valle de Rocas, avec vue sur le volcan Caquella, toujours en semi-activité. Les pierres ici prennent des formes liquides, comme des vagues pétrifiées. Mais le plus impressionnant reste sans doute cet énorme spécimen d’Azorella compacta, appelée Llareta en espagnol. Cette plante pousse un millimètre par an, donc un gros spécimen comme celui-ci est probablement plusieurs fois millénaire. Sur le côté, la grosse plante commence à se corrompre et perd peu à peu sa vie ; malgré son aspect mousseux, la plante est très dure. Comme elle se développe sur des cailloux, elle se coule dans les interstice ne fait plus qu’un avec le minéral.

Roches liquides et volcan Caquella

Roches liquides et volcan Caquella, toujours en activité

Azorella compacta géante

Azorella compacta géante

CorruptionTrou de roche
Roches vaguesViscache timide

Valle de rocas

Nous ne sommes pas au bout de nos surprises rocheuses. Après avoir passé une voie ferrée, notre dernière étape de la journée, c’est une mer de coraux fossilisés. Voilà des millions d’années, la mer recouvrait les environs. Alignés par un courant qui n’existe plus, les coraux s’étalent à perte de vue.

Coraux fossilisés

Coraux fossilisés

Au cours de tout tour au salar d’Uyuni, il y a une nuit dans un hôtel de sel près du désert de sel. Après avoir traversé un autre salar et acheté des bières dans un village, il reste encore à trouver un hôtel disponible. Premier hôtel : complet ; deuxième : complet ; troisième : fermé. Le soleil est sur le point de se coucher, visiblement l’agence n’a pas réservé. Nous dépassons l’entrée du salar et parcourons une bonne distance avant de parvenir à notre refuge, dans un hameau désert. En fait d’hôtel de sel, il faut entendre « décoré de sel. » Les lits, les meubles sont bien en sel, le sol est couvert de sel, les murs ont un goût de sel, mais il ne s’agit que d’enduit sur des blocs de béton. Au moins avons nous l’hôtel pour nous huit, voire même le hameau. Avant que le soleil ne s’éteigne, nous buvons un coup au terrain de basket désert. Nous jouons à un jeu qui consiste à faire tourner une pièce sur elle-même comme une toupie. Elle passe de main en main, celui qui la fait tomber a perdu. C’est un bon passe-temps, censé faire boire mais qui fait surtout mal aux doigts.

Holly au tir de pièce

Holly au tir de pièce

Autre jeu amusant : chacun choisi un animal et a un signe particulier. Le but est de faire son signe pendant un rythme collectif, puis celui d’un autre pour se le passer, jusqu’à ce que quelqu’un échoue. Bref, les enfants s’amusent bien ce soir.

Kirsten et Jamie rigolent bien
Holly et KirstenTracy au crépuscule

Crépuscule au terrain de basket

Retour au bercail où nous retrouvons une Modesta en mauvais état. Elle a mal au ventre et a du mal à bosser. Elle nous sert des pâtes à la bolognaises, puis Matias l’aide à préparer les pancakes de demain ; Jamie, Jack et moi faisons la vaisselle. La soirée se poursuit ensuite dans la salle commune. Matias tente de nous expliquer le jeu de carte national argentin, El Truco. Problème majeur : le jeu n’a pas les classiques pique, coeur, carreau, trèfle mais ses propres variantes. Intégrer les règles (complexes au demeurant) nécessite donc de revoir toute la logique qu’on connait. J’aurais aimé connaitre toutes les règles, mais rapidement tout le monde autour de la table a déjà abandonné. Ce sera pour une autre fois ! Avant d’aller nous coucher, je tente une photo à longue exposition du ciel étoilé le plus clair du monde. Sans pied et avec un peu d’astuce, le résultat n’est pas si mal. mais ne représente pas la magnifique Voie Lactée que nous avons sous les yeux.

Ciel étoilé bolivien

Ciel étoilé bolivien

Quatrième jour : on a marché sur Uyuni

Lundi 10 mars

La nuit a été un cauchemar pour moi. Sans entrer dans les détails, j’ai eu un terrible mal de ventre et ai du aller plusieurs fois aux toilettes dans la nuit. Holly a eu la même chose, et alors que nous pensions que c’était la nourriture qui était avariée, c’est plutôt l’altitude qui nous a rendus malades. Les autres on souffert un peu, mais pas autant que nous. En guise de souvenir, j’ai bouché les chiottes, comme Peter dans La Classe Américaine. Même malades, nous profitons du lever de soleil sur le salar, un moment de pure extase. Sans commentaire.

Halo rose
Prière au soleil
Amitié
Vers l'infiniSol de sel
Simba loin de chez luiTracy solitaire
Jusqu'au 4x4

La rétine bien cramée, nous allons prendre le petit-déjeuner sur l’île centrale du Salar, appelée Incahuasi. Pendant que Modesta, toujours pas en forme, sort les victuailles de la voiture, nous allons au sommet de l’île peuplée de cactus candélabres. A raison d’un centimètre de croissance par an, beaucoup d’entre eux ont entre 400 et 500 ans, voire 1200 ans pour les plus vieux. L’île elle-même est sculptée par des coraux fossilisés, dont la texture évoque un décor artificiel de parc d’attraction. En haut, nous avons une jolie vue sur le désert immaculé, tandis que l’île continue à m’epoustouffler – et m’essouffler. Les maux de ventre et l’altitude me ralentissent considérablement. De retour près du 4×4, je ne mange presque rien avec une tasse d’infusion de coca, c’est bien meilleur que la mastication.

Vue 1 sur les cactus candélabre de l'île Incahuasi
Vue 2 sur les cactus candélabre de l'île Incahuasi

Vues sur les cactus candélabre de l’île Incahuasi

Les 4×4 nous récupèrent plus loin, après une marche autour de l’île. Des blocs de sel ont été abandonnés (ou sciemment laissés ?) et utilisés par des touristes inspirés (ou non). Certains ont écrit leur prénom, d’autres ont construit des murs. Jack se barricade en cas de bataille de boule de neige, quant à moi je compte le nombre de côtés des mailles de sel au sol. Quasiment toutes ont six arêtes, je vous laisse recompter. L’eau ne délaisse pas le sel au hasard !

Maillage de sel
Jack en embuscadeSur le mur

Les guides nous emmène à un autre endroit du salar. C’est la pause photo-obligatoire-du-salar-avec-des-illusion-marrantes-mais-pas-crédibles. Au fond, je n’ai rien contre s’amuser avec la perspective, moi aussi je le fais. Le seul problème, c’est que toutes ces photos, aussi bien trouvées soient-elles, sont toujours (trop) posées. Aucune ne parait spontanée, réelle, on sent les sourires crispés, le « un peu plus en arrière » ou le « attention, bouge pas ! » Il se trouve que nos photos à nous sont ratées, pour une raison simple : avant de rencontrer David à New-York, je ne savais pas que le réglage de la focale influençait la profondeur de champ. Si ce que je viens d’écrire vous parait être du chinois, je le redis. Plus la valeur de la focale est basse (1,8 par exemple), plus il y aura de flou en dehors de la partie sur laquelle on aura fait le point ; l’avantage, c’est que la photo sera plus éclairée. Si la valeur de la focale est haute (20 par exemple), les éléments au premier et à l’arrière plan seront dans le même champ de mise au point ; l’inconvénient, c’est que la photo sera plus sombre. En clair, si j’avais tout simplement demandé de l’aide à Jack, Jumaï et moi aurions réussi la photo avec moi et Théodore. Pour en revenir aux photos aplatissant la perspective, l’autre problème c’est qu’on meuble l’instant unique dans le salar par des photos inutiles. Dans un endroit pareil, on aurait du en profiter pour méditer, penser à rien, à tout ; profiter d’un lieu sans humains alentours, sans construction, sans route, sans vie sauf soi. Mais non, on prend des photos stupides pour pouvoir dire « moi aussi, comme tout le monde, je l’ai fait ». Au risque de paraitre rabas-joie, je pense qu’on rate le salar en produisant ces images sans intérêt.

Marche épique

De gauche à droite : Hadrien, Jum, Kirsten, Matias, Holly, Jack, Jamie, Tracy

Photo de groupe

De gauche à droite et de haut en bas : Raphaël, Matias, Jamie, Holly, Jack, Poli, Kirsten, Tracy, Modesta, Jum (la seule au courant qu’il y avait une rafale de cinq photos), Hadrien

Théodore et Simba au salarSel au monde
Le styleHexagone

Notre dernière étape dans le salar consiste en un musée du sel, accessible sur achat d’un souvenir, et d’un présentoir à drapeaux. Entre autres drapeaux, celui du Japon, du Canada, de la Bolivie, de la Bretagne, et même de la Vendée ! Celui de la France, curieusement, manque à l’appel. Seule explication possible : des jaloux l’ont retiré. Après un petit tour dans le coin, je comble le manque spirituel éprouvé à la séance photo de tout-à-l’heure par un salut au soleil. Ainsi se termine notre visite de l’incroyable salar d’Uyuni, entre terre et ciel, quelque part sur une autre planète.

Tour de taille Jésus Christ

Salut au soleil

A la sortie du salar, nous faisons une halte dans un hameau dédié à la vente de souvenir. Pendant la préparation du repas, nous avons la possibilité d’acheter des pulls en laine et de la pacotille. Avec Jum, nous repoussons les achats à La Paz, moins chère et de meilleure qualité. Jum en profite pour aider Modesta à la cuisine, et discute de leurs conditions de travail. Le pire dans le travail de Poli et Modesta, c’est la fréquence des départs. Parfois, ils n’ont pas la moindre pause entre deux tours, difficile pour eux de voir leur famille. Parfois, au contraire, ils attendent un moment avant de prendre la route. Précisons aussi que Poli, sans broncher, a conduit 12h d’affilée le premier jour, avec une prudence et une dexterité qu’il faut saluer. Ainsi, notre expérience avec Tupiza tours a été parfaite du début à la fin, même si on peut déplorer que les employés n’aient pas plus de congés.

Après le désert de sel, difficile de faire mieux. C’est avant tout pour une question de dramaturgie qu’il vaut mieux partir de Tupiza : on termine ainsi par le clou du spectacle plutôt qu’être de plus en plus blasé jusqu’à la fin. L’autre raison que nous allons vite comprendre, c’est qu’Uyuni est laide, désagréable et surbondée. Malgré les agences rapaces de Tupiza, la ville est plutôt paisible et plaisante. Je ne peux que recommander de commencer un tour par Tupiza, même s’il apparait que les prix sont un peu plus élevés. Mais avant même de parler d’Uyuni, nous passons par le cimetière ferroviaire, où dorment pour toujours de vieilles locomotives et leurs wagons. Pourquoi on n’a pas de cimetière comme ça en France ? Qui sait, peut-être qu’on a refilé nos antiquités à des pays comme la Bolivie. Dans les vieilles locomotives, les rêves de conducteurs de train se réalisent enfin, ne manque plus que la casquette de cheminot et l’immersion est totale. On pense aussi aux pauvres gars qui devaient remplir le charbon dans les fours des locomotives, avec une chaleur torride et le visage couvert de poussière. On devait pas déconner tellement à la tête d’un train à l’époque. Pour nous, le divertissement est à son comble avec des balançoires et une photo de groupe sautée. Forcément, personne n’a suivi mon décompte et est soit parti trop tôt, soit parti trop tard, c’est ça qui fait le charme du cliché !

Loco loca

Loco loca

Balançoire
Jamie cheminotHadrien aux commandes
Kirsten sur la balançoireFournaise
À travers le moteur

Cimetière ferroviaire d’Uyuni

Ça y est, notre périple dans le Sur Lipez est terminé. Poli nous dépose juste devant le « terminal » de bus d’Uyuni. En fait de terminal, il s’agit d’une grande rue avec des compagnies et leurs bus stationnés devant. La traversée de la ville nous conforte dans l’idée que Tupiza est un meilleur point de départ. C’est pourquoi nous partons le plus vite possible pour Potosí. Jack, Kirsten et Holly s’y arrêtent avec nous ; Matias, Tracy et Jamie reprennent un bus de Potosí jusqu’à Sucre. Pour nos tickets, il y a foule de touristes qui partent. Une vendeuse appelle pour un départ dans la demi-heure, parfait ! Les israéliens que nous avions déjà vu à la laguna Cañapa veulent prendre le même bus. Je prend l’initiative et obtiens les derniers billets pour nous huit, tout juste ! Tant pis pour les autres, parfois il faut être rapide.

Dispersés dans le bus au confort très correct, nous partons pour un long trajet qui serpente dans les montagnes. En route pour de nouvelles aventures !

Jump around

Un air de bout du monde

28 Avr

Diable de carnaval

Lo mejor de carnaval

Samedi 1er mars

•J• Le lendemain nous nous levons tôt. Pas question de faire des vieux os ici. Nous retraversons la rivière et la ville pour rejoindre la route qui mène à la quebrada. Nous avons l’intention de faire du stop jusqu’à Purmamarca. Il y a des embouteillages monstres, pas mal de concurrence et nous sommes trois ! Toute l’Argentine se rend dans la quebrada de Humahuaca pour fêter le premier jour de carnaval. Ici on déterre le diable une semaine durant. Alors, tout est permis : se marier avec n’importe qui et divorcer deux heures après, se barbouiller de peinture et de talc, s’asperger de mousse et surtout faire la fête, danser et picoler. Tous les villages du canyon fêtent cet événement qui attire pléthore de jeunes porteños. Nous sommes impressionnés de voir que les traditions et le folklore sont très présents. Jeunes et moins jeunes dansent sur de la musique folklorique toute la nuit et déambulent tous les jours dans les rues. Finalement, deux argentins de la capitale finissent par nous emmener jusqu’à Purmamarca. Visiblement, il ne fallait pas compter sur les milliers de convois locaux, saturés de passagers et en bagages, qui nous méprisent avec le sourire ou non. Nous sommes coincés dans les embouteillages pendant une bonne heure, serrés comme des sardines à l’arrière de la petite voiture de location. Dans Purmamarca, l’ambiance est entre la fête de village, la feria artisanale et le festival de musique. Les marchands étalent leurs bibelots, chapeaux, pulls d’alpaga à prix fort. Tout le monde ou presque porte une sorte de chapeau en feutre coloré, en forme de cloche. Fernando, Hadrien et moi faisons le tour des hospedajes et des campings. Tout est cher et/ou complet. Idem lorsque l’on cherche de quoi manger. Le prix des empanadas s’envole. On trouve quand même une gargote sympa dans la rue ou l’on s’empiffre de délicieuses empanadas à un prix tout à fait raisonnable. Nous retrouvons les deux argentins devant leur voiture afin de récupérer nos sac à dos qu’ils avaient gentiment gardé. Eux poursuivent vers le Chili, quand nous allons tenter le stop jusqu’à Tilcara, un village à quelques kilomètres de Purmamarca où se déroule le gros du festival.

Montagnes aux sept couleurs

Montagnes aux sept couleurs

Après 2km de marche sous le soleil avec 13 kilos sur le dos nous atteignons la route principale. Deux voyageuses à sac à dos reviennent tout juste de Tilcara et nous avertissent : le bled est blindé par la foule, et pour se loger c’est mission impossible. Au bord de la route, nous attendons une bonne heure sans que personne ne nous emmène. Même les bus nous ignorent alors qu’il est plutôt courant pour eux de s’arrêter n’importe où pour prendre des gens. Dépités, nous décidons, vue l’heure, de retourner au village. Et c’est reparti pour 2km, en montée cette fois. Sur notre chemin, deux types nous conseillent un camping à 35 pesos la nuit. Banco ! Mais d’abord, nos mirettes s’émerveillent sur la montagne au sept couleurs que nous avions ratée à l’aller. Au mirador, nous aidons trois motards – est-il nécessaire de préciser qu’ils sont brésiliens – à prendre une photo. Les trois gars font le voyage, par étape, de leur pays à l’Alaska, en passant par le nord argentin et quelques étapes par avion. Encore une fois, les motards vendent du rêve avec leur bécane et leur liberté. En cadeau, nous recevons d’hideux autocollants conçus par leurs soins. On ne peut pas être bon partout.

Vieux motards que j'enviais

Vieux motards que j’enviais

Nous finissons quand même par arriver et nous plantons la tente dans la poussière et le champ de cailloux faisant office de terrain. Miracle il y a de l’eau chaude h24 ! Le luxe. On est d’autant plus ravis qu’on nous dit qu’à Tilcara, se loger relève du défi. Prix exorbitants, lieux pourris et complets. Le hasard fait bien les choses. Plusieurs personnes d’ailleurs logent à Purmamarca et vont faire la fête à Tilcara. Après notre expérience de l’aprem’, on préfère rester là et profiter des festivités d’ici. Nous retournons manger dans la gargote du midi : salchipapas autrement dit, un mélange de frites géantes et de saucisse coupée en rondelles. Pas de quoi tenir toute la nuit mais ça nous requinque. Il y a plein de lieux dans le village ou s’organisent des bals plus ou moins traditionnels. Au programme musique live, attaque de mousse et danse ! Les petits diables sont richement déguisés. Impossible de voir leur visage.

Petit diable

Petit diable

Ainsi, tout est permis ! Nous nous faisons baptiser à grands coups de peinture (Hadrien a choisi ses couleurs) et de talc au sein du cortège qui prend fin. Ça chante des refrains qui rentrent tout de suite en tête, sur musique de fanfare et danse de foule déchaînée. Même dans un petit village comme Purmamarca, on sait faire la fête.
Nous finissons notre soirée sous un grand préau où joue un groupe bien énergique qui reprend visiblement des classiques puisque tout le monde chante. L’ambiance est géniale. Ça fait longtemps qu’on n’avait pas vu autant de mélange des générations s’amuser de la même manière. Ça boit du fernet coca ou de la Salta negra (une bière délicieuse, bien maltée) et ça danse hyper bien. Autant dire que les deux briques que nous sommes regardent avec envie les danseurs de tout âge. Ceux qui apprennent que nous sommes français tiennent absolument à ce qu’on boive avec eux ou qu’on danse. On a goûté à des mélanges étranges et dansé avec des gens aux yeux rougis et pas forcément stables mais c’était une soirée super. Très bizarre après tout ça de vous avouer qu’on s’est couchés avant minuit… Hadrien est resté écouter un concert improvisé au camping et a soigneusement noté le nom des danses et des instruments traditionnels.

Le bœuf de Purmamarca

|H| L’ambiance dans le camping est magique. Devant une petite baraque dédiée à de l’hébergement, une terrasse en ciment permet de se rassembler avec tables et chaises, sous l’œil complice des gérants. Au départ très calme, le lieu est animé par une chanteuse, un violoniste et un guitariste. À cela s’ajoutent, au fur et à mesure, des percussionnistes, un flûtiste, un joueur de charango (petite guitare traditionnelle bolivienne), un autre de siku (flûte de pan andine) qui connaissent tous les chansons jouées ou au moins les bases pour participer. Ma voisine de chaise (oui, nous sommes assis) partage avec moi et mon autre voisine son fernet/Fanta, et m’explique avec précision les différentes danses et chansons. Elle-même est prof de danse et exécute un rituel avec un homme. Il s’agit d’une variante de la cueca, au cours de laquelle, chacun leur tour, les deux participants séduisent l’autre avec des mouvements codés. La tradition jujeña tient davantage de la Bolivie que de l’Argentine, proximité géographique et ethniques obligent. Pour en savoir plus sur les danses comme cells de la saya ou de suri-sicuri, ce site fait un bon résumé.

Je fais aussi la connaissance de Violeta, mon autre voisine de chaise. Elle étudie le théâtre avec son copain (parti se coucher, comme Jumaï) à Buenos Aires. Les deux argentines s’entendent bien et discutent de mouvements sociaux étudiants. En Argentine, les études sont gratuites, certes, mais de nombreux problèmes de sécurité et de gestion apparaissent. Les deux parlent très vite et j’ai du mal à suivre leur conversation qui passe aux mouvements sociaux en général, en passant par Tupac Amaru.

Le lieu se remplit et, avec l’heure tardive et sûrement l’alcool, l’ambiance devient survoltée. Danses endiablées, jets de mousse et talc, le carnaval bat son plein ici aussi. Difficile d’avoir une conversation dans ce contexte, je pars me coucher avec plein de petites notes à partager avec Jumaï.

 

Carnaval, deuxième round

Dimanche 2 mars

|H| Pas question de refaire l’erreur d’hier. Cette fois, nous partons en bus du village à Humahuaca. Nous connaissons les horaires et, mis à part le fait qu’on ne peut pas acheter de billets, tout va bien : grand soleil et bonne humeur. Les bus en direction de Tilcara sont souvent pleins à craquer, et à moins d’avoir pu réserver de Jujuy, impossible d’acheter des tickets. C’est donc premier arrivé, premier servi, avec le risque que nous ne puissions pas entrer dans le bus. Encore une fois, la chance nous sourit. Je demande la confirmation de l’heure à une jeune femme, et elle nous vend son billet et celui de ses deux amis : ils prendront un autre bus. C’est donc parti pour un long trajet pour une courte distance. Les embouteillages près de Tilcara nous permettent de constater la foule que le carnaval y draine. La station service est saturée de monde, la ville entière est remplie à ras-bord. Nous faisons connaissance avec Thomas, Belge d’une trentaine d’années qui a tout plaqué pour partir en voyage seul. Petite particularité, il vient de la partie germanophone de la Belgique, qui a ses propres institutions. Encore un territoire litigieux, conséquence du traité de Versailles. Pour en revenir au bus, nous discutons aussi avec un argentin qui traverse la frontière bolivienne aujourd’hui même. Il va prendre un train de Villazon (ville frontalière bolivienne) à Tupiza, solution qui paraît tentante pour un chouette voyage qui ne coûtera, on l’espère, pas trop cher. À voir quand nous y serons !

Arrivés à Humahuaca, nous faisons la rencontre d’une brésilienne et d’un argentin en couple – pardonnez l’oubli des prénoms, tout cela se mélange un peu trop. Nous allons tous ensemble à la recherche d’un camping abordable. Le vent souffle fort et la poussière vole, il s’agit donc de trouver un lieu un peu moins aride que le précédent à Purmamarca. Pendant que Fer et notre nouveau camarade vont se renseigner de l’autre côté de la rivière, nous savourons du dulce de leche. Autour de nous, de nombreuses personnes ont fait fi des campings et ont planté la tente dans la rue même ; mais ils disposent, eux, de voitures pour laisser leurs affaires en lieu sûr. Les deux éclaireurs nous emmènent ensuite au camping le moins cher et le meilleur. Sous l’ombre des arbres et entre le crottin de cheval, nous serons à l’aise. Tellement à l’aise que le couple argentino-brésilien s’endort bien vite, pendant que nous trois allons visiter le coin.

Pluie de talc et mousse

Pluie de talc et mousse

Une fois de plus nous nous faisons arroser de talc et mousse. Je garde le sourire, sauf quand on m’en met sous le t-shirt. Dans notre situation, on ne peut vraiment pas se permettre le luxe de changer tous les jours de vêtements. Bon, la vie pourrait être pire, on trouve des empanadas pas chères dans une petite boutique qui vent à peu près de tout et n’importe quoi. Le petit monsieur qui tient boutique a déjà un accent plus trop argentin, on commence a mettre un pied en Bolivie. La cuisinière, elle, tente de nous vendre des livres de cuisine maison ; non merci, on a les crocs et qu’une seule hâte : manger ces empanadas. Même si elles ne font pas l’unanimité, je soutiens qu’elles sont dans le top 3 des meilleures que nous avons mangé jusque là. Notre estomac rempli, Fer et moi laissons Jumaï sur internet dans un bar et allons crapahuter sur la colline. Sur le point culminant du bled, des Japonais couverts de talc et ravis d’être là réalisent un film. À la lumière du crépuscule, le spectacle des montagnes colorées est splendide, et nous allons l’admirer d’un peu plus haut en montant sur le socle de la statue.

Rendez-vous devant le monument

Rendez-vous devant le monument

Coucher de soleil sur les montagnes

Coucher de soleil sur les montagnes

Foule sur les marches

Foule sur les marches

En contrebas, les gens festoient sur la dégringolade de marches. Au moment où nous y retournons, je veux saisir la photo d’un chien, mais il s’échappe du cadre ; j’ai de la chance, une gamine le retient.

La petite fille et le chien

La petite fille et le chien

Nous allons retrouver Jumaï au bar où elle est connectée à internet. Sympa l’ambiance, le prix du jus d’orange moins. Le Wi-Fi n’y marche pas, en plus, alors Jumaï a obtenu l’autorisation de se connecter à l’entrée de l’hôtel voisin, l’occasion de se faire de nouveaux copains. Elle discute avec eux du délicat débat intitulé « dans quel pays les femmes sont-elles les plus belles ? » Une fois toutes ses affaires réglées, nous rentrons tous les trois au camping en passant faire des courses. Au menu ce soir : bouillon de légumes agrementé de municiones (minuscules pâtes). Nous utilisons le réchaud-canette que j’avais fabriqué à El Calafate avec l’aide de Kévin, ainsi que la précieuse casserole de Fer. Enfin, le repas n’aurait jamais été aussi bon sans les cubes de bouillon. Comme l’ail et l’oignon, ça sauve un plat. Après nous être régalés, je fais la vaisselle avec la Mano Negra en musique de fond – quelques types ont une grosse sono dans leur voiture. Quant à nous, nous ne ferons pas long feu ce soir, il s’agit d’aller demain en stop à Iruya, un bled perché dans les montagnes.

 

Périple pour Iruya

Lundi 3 mars

•J• Nous quittons Humahuaca pour nous diriger encore plus vers le Nord et la frontière Argentine. Nous souhaitons d’abord faire un petit crochet vers Iruya, un pueblito perdu dans les montagnes. Nous avons décidé d’y aller en stop. C’était sans compter le manque d’empathie des habitants du coin qui, visiblement, n’aiment pas beaucoup les blancs becs comme nous. Fernando est parti quelques kilomètre devant nous. Nous ne savons pas si il a été pris ou non. Ce qui est sûr c’est qu’après trois heures d’attente au bord de la route et le bras engourdi nous n’avons pas avancé d’un pouce. Nous décidons finalement d’abandonner après avoir vu une famille de 7 nord-argentins se poster juste devant nous et attendre à peine 3 minutes avant d’êtres pris par une minuscule voiture de 5 places… Au bord de la route, des porteños de Buenos Aires attendent aussi depuis des heures. Eux nous disent carrément ressentir un certain racisme de la part des argentins de cette partie du pays.

La faute aux frontières sans doute, qui séparent les gens et leurs cultures d’origine. Nous retournons au village pour attraper un bus. Comme si ça ne suffisait pas nous mettons un temps infini à trouver le terminal. Une fois sur place nous patientons une bonne heure avant l’ouverture du guichet. J’en profite pour aller acheter de succulentes empanadas. Nous rencontrons sur place Matias, Jamie et Tracy. Le premier est argentin et a rencontré Jamie au Brésil. Jamie est irlandais et depuis 9 mois il travaille en tant que prof d’anglais à Buenos Aires ; il a habité un moment chez Matias mais ne parle toujours pas espgnol. C’est dans le cercle des enseignants d’anglais qu’il a rencontré Tracy, sudafricaine, en couple avec Matias. Pour un ultime voyage en Bolivie puis Pérou, ils sont inséparables. Comme ils suivent la même trajectoire de route que nous, ils seront nos compagnons de voyage jusqu’au Salar d’Uyuni, ce qui nous permettra de partager les frais du tour. Finalement nous embarquons pour Iruya. Dans le bus nous retrouvons Violeta et Kaio qui nous fournissent de la coca. L’ascension est splendide et nous traversons les nuages au sens propre.

Sur la route escarpée vers Iruya

Sur la route escarpée vers Iruya

Une fois dépassé le col, nous redescendons dans une jolie vallée verte avant de remonter de nouveau. À Iruya, Fernando nous retrouve et nous emmène dans sa bonne auberge, l’hospedaje Asunta. Il y a des super terrasses donnant sur le village et de petites chambrettes agréables. Finalement, Fer s’est fait emmener par un militaire puis une autre voiture. Il faut croire que, tout seul, ses chances étaient démultipliées. À Iruya nous passons notre temps à monter et descendre. Ça fait les cuisses et entraîne nos poumons fatigués par l’altitude.

Goûter dulce de leche panoramique

Goûter dulce de leche panoramique

Le village est tranquille et très joli avec ses ruelles pavées et ses montagnes alentour. À l’office du tourisme, la conseillère dissuade Hadrien de partir en train jusqu’à Tupiza. Trop cher, trop lent. Ce sera donc en bus que nous ferons le trajet. Nous passons la soirée avec des gens de l’auberge à cuisiner et discuter. Nous décidons de nous grouper avec Sheilla et Léo, voyageurs solos, pour faire la randonnée vers San Isidro le lendemain. Car Iruya, même sans voiture, n’est pas encore le terminus.

Les ânes et les chevaux votent aussi à Iruya

Les ânes et les chevaux votent aussi à Iruya

 

Jusqu’au bout du monde

Mardi 4 mars

Départ vers le petit village du bout du monde. La rando est super. Nous traversons la rivière une bonne vingtaine de fois. Nous rencontrons Gabriela et Laura, autant en galère que nous pour retirer et remettre les chaussures toutes les deux minutes.

Mise en scène par les Dieux d'Iruya

Mise en scène par les Dieux d’Iruya

Fer et un compagnon éphémère traversent la rivière

Fer et un compagnon éphémère traversent la rivière

Le long du torrentRoc rouge
PauseAu choix : mains coupées ou genoux trempés

Sur sa route, un habitant de San Isidro nous aide plus d’une fois sur des passages difficiles. Alors qu’on redoutait qu’il nous fasse payer, sa combine est plutôt de nous mener à son restaurant. Tous se laissent tenter, sauf Fer et nous deux, sur une recommandation dythirambique de Sheilla, qui est déjà venue plusieurs fois. Nous mangeons ce qui paraît être les meilleures empanadas (du monde !) au comedor de Teresa, avant d’aller nous étaler sur l’herbe pour une sieste réparatrice au soleil.

Fer et Sheilla sur les marches du comedor

Fer et Sheilla sur les marches du comedor

Petite fille privée d'internet

Petite fille privée d’internet : parents indignes !

Une petite fille en train de jouer avec le téléphone de Matias nous scie tous avec sa question surprenante à l’heure du tout virtuel: « c’est quoi internet? » Nous savourons ses mots précieux et profitons des derniers instants passés au bout du monde. Le guide officieux de l’aller a perçu le filon et nous propose de nous guider pour le retour, moyennant une grasse participation financière. Pas question pour nous de payer. Nous rentrerons tranquillement et gratuitement avec Gabriela, Laura, Sheilla et Fer, tandis que Matias, Jamie, Tracy et Léo, partiront avec le guide. Devant un précipice, nous profitons de la vue pour faire une photo de groupe.

De gauche à droite : Laura, Hadrien, Gabriela, Jumaï, Sheilla, Fer

De gauche à droite : Laura, Hadrien, Gabriela, Jumaï, Sheilla, Fer

TorrentSur les cailloux
À l'entrée d'IruyaL'homme au chapeau

Sur le chemin du retour

|H| La beauté de cette randonnée tient autant aux superbes montagnes qu’à la vie particulière qui se déroule sous nos yeux. Sur le chemin, nous croisons de nombreux habitants de San Isidro qui, pour s’approvisionner ou visiter leurs familles, ne peuvent compter que sur leurs jambes. Petits et grands, jeunes et vieux, personne ne coupe au chemin bordant le précipice. Être loin de tout, c’est peut-être le prix de la tranquillité. Pas fous, les habitants ont la télé par satellite, mais ils sont autonomes en nourriture. En témoigne les empanadas que nous venons de manger ; la patronne nous a donné leur secret : des ingrédients totalement locaux. Pourvu que ça dure…

Dans la cour de l’hospedaje, des vieux d’Iruya se sont réunis pour les festivités du carnaval. Coiffés de chapeaux, ils sont assis en cercle et bavassent en buvant des coups. Violeta et Kaio, qui ne sont pas allés à San Isidro mais aux collines voisines, ont pu en profiter. C’est quasiment la fin de la réunion et nous avons droit à une étrange musique, celle des cornes en spirale desquelles sort un son proche du cor, avec une variation incessante de trois notes. Sur ces sons, nous verrons les mêmes anciens danser en cercle, comme en transe, depuis une toiture du village. Car ce soir, il y a encore plus de monde dans l’hospedaje et Fer, Sheilla, Jumaï et moi n’allons pas faire à manger gratis pour quinze personnes une deuxième fois. Si à Cafayate l’énergie de groupe était parfaite, nous n’avons pas eu la même chance à Iruya. L’inertie ambiante nous mène donc à un repas simple dans la chambre, en compagnie de Violeta, Kaio, Gabriela et Laura. Ça tombe bien, ce sont nos préférés. En bas, dans la salle commune, nous avons déjà partagé beaucoup de maté avec beaucoup de monde, avec des conversations difficiles à suivre. La tranquillité de la chambre est bienvenue. Une fois les coordonnées échangées, chacun retourne à ses pénates pour un repos bien mérité. Demain, nous avons un bus très tôt et nous n’avons pas encore les billets.

 

Et nos chemins se séparent

Mercredi 5 mars

|H| Reglés comme des horloges, nous nous levons sans trop de mal pour le premier bus, à 6h. Je pars acheter les tickets au bureau, ouvert un quart d’heure avant le départ. L’heure arrive, mais nous ne voyons pas Jamie, Tracy et Matias. Les deux premiers arrivent enfin, mais pas le troisième, et ils n’ont pas de billet. Fer prend l’initiative, il court chercher Matias. Mais alors que le bureau était à deux minutes de l’arrêt de bus, les deux tardent à revenir, incapables de le retrouver. Bredouilles, ils finissent par acheter leurs tickets au conducteur : le dédale d’Iruya a encore fait des victimes.

Avec un bus si tôt, nous savons que nous avons de grandes chances d’arriver à Tupiza ce soir. Dès notre arrivée à Humahuaca, nous obtenons nos billets pour La Quiaca. Le départ doit être imminent, mais le bus est en retard et nous avons le temps de dire au revoir à Fer. Nous avons partagé un très bon bout de voyage avec lui. On espère le revoir à notre retour, un jour, à Buenos Aires !

Hasta luego Fer !

Hasta luego Fer !

Le bus est très moyen, mais on n’est pas à ça près. Jamie, gros buveur d’eau, doit souvent aller aux toilettes ; les chiottes condamnées du bus ne l’arrangent pas, mais ça ne l’empêche pas de dormir comme un bébé. À La Quiaca, il nous reste un peu de chemin à pied pour atteindre le poste frontière, situé sur un pont. Les formalités, bureaucratiques, ne sont pas trop longues. Au poste bolivien, les policiers glandent sévère en regardant un film ; c’est à peine si on nous regarde pour délivrer notre visa. La jumelle bolivienne de La Quiaca, Villazon, est bardée de commerces destinés aux argentins chez qui l’importation est très onéreuse. À un très mauvais taux, nous échangeons quelques pesos argentins contre des bolívars. Quelques centaines de mètres, et nous trouvons sans mal un chauffeur de taxi spécial qui fait la navette entre Tupiza et Villazon. Avec deux autres passagers, nous voilà partis à fond la caisse sur de la musique bolivienne. En route pour le salar d’Uyuni !

Salut l'Argentine

Ce que les cactus voient

14 Avr

Deux amies dans la Garganta del Diablo

Argentine, nous revoilà !

Samedi 22 février

Notre bus pour Mendoza est à midi. Nous avons encore trainé tard hier et le réveil est difficile. Heureusement, les petits déjeuners chiliens, et particulièrement ceux de Jovina, sont réconfortants. Ahhhh l’avocat écrasé sur des bonnes tranches de pain tout chaud ! Simple mais tellement bon. Nos sacs sont prêts et après notre « tecito » comme dit Jovina, nous organisons une séance photo. Il est déjà l’heure de nous quitter. Le plus difficile lorsque l’on s’arrête plus de trois jours est de s’arracher à ce nouveau nid douillet. C’est fou ce qu’on prend vite racine ! Le simple fait de passer quotidiennement par le même chemin chaque jour pour rentrer dans son auberge et retrouver son lit, dans son dortoir de douze personnes, devient vite un grand plaisir. Du moins, c’est vraiment l’effet qu’a eu Santiago sur nous. Une ville tentaculaire qui vous ventouse. Protégée par les montagnes, la ville, aussi grande et polluée soit elle, donne vraiment l’impression d’un cocon « comme à la maison ».

Donc, en ce samedi, en plus de quitter la petite famille de Fabián, nous devons quitter cette ville qu’on aime tant. On s’arrache, donc, pressés par le temps, comme d’habitude. Fabián, en guide et ami parfait, nous accompagne jusqu’au terminal. Sur place il nous reste tout juste le temps d’acheter 2/3 bêtises estampillées Colo-Colo et Universidad de Chile, les deux plus grands clubs de foot chiliens. J’aurais vraiment voulu rapporter dans mes bagages des dizaines d’autocollants et autres produits dérivés. Bizarre cette façon qu’on les choses d’un pays de vous imprégner. J’aurais bien vu un match « en vivo » aussi. Et couru sur le stade avec mon maillot sur la tête. Je crois que c’est à ce moment là du blog que je vous annonce que j’ai un mulet et que le Messie n’est pas celui que vous croyez…

Rassurez vous, après cette parenthèse, nous finissons tout de même par monter dans le bus. Et là, c’est la fête parce qu’ils passent Wolverine et L’odyssée de Pi. Du lourd je vous dit ! Ça change des clips de musique romantique. Et, accessoirement, nous allons prendre la ruta 7, la route des Andes, qui traverse la cordillère, serpente entre les montagnes multicolores et permet d’apercevoir les neiges éternelles de l’Aconcagua. Je vous le disait, rien de bien folichon. Le long de cette route mythique, on aperçoit aussi les vestiges d’une ancienne voie ferrée, aujourd’hui défoncée et rouillée. Entre ça et les très longs tunnels de béton ajourés, on se croirait presque à la poursuite du Transperceneige. À la frontière, peu d’ennuis avec les autorités argentine, nous faisons passer de la nourriture en contrebande. Rien à voir avec la sévérité des douanes chiliennes.

L’arrivée à Mendoza est annoncée par les cultures de vignes, de plus en plus nombreuses. On retrouve ensuite la rigidité des plans des villes argentines. Des rues parallèles et perpendiculaires et 4 places équidistantes (on va dire que c’était mes devoirs de maths). Au centre, la plaza Independencia. Toute cette géométrie, moi ça me glace ! Seule la petite plaza España, sa fontaine et ses azuléjos multicolores trouvent faveur à mes yeux, ainsi que les canaux d’irrigations qui traversent la ville.

Plaza España

Plaza España

L’auberge dans laquelle nous dormons est pleine, nous ne dormons pas dans le même dortoir cette nuit. Hadrien n’est pas gâté avec une pièce aveugle et une salle de bain minimale. Pas grave, c’est pour une nuit seulement. Fatigués par la courte nuit puis le long voyage, nous renonçons à profiter du bar gratuit de l’auberge.

Glande à Mendoza

Dimanche 23 février

Journée relax aujourd’hui. Vers 14h, nous nous promenons dans la ville, qui, à part son ambiance tranquille, n’a rien de fondamentalement intéressant pour le visiteur d’un jour. De nombreuses personnes viennent ici pour faire la fête et en profitent bien, a-t-on raté quelque chose ? Pour aller acheter nos billets de bus vers Cafayate, nous faisons pas mal de kilomètres. Nous sommes dimanche et tout est fermé, et le site internet pour acheter les billets refuse de fonctionner. Pas d’autre choix que d’aller directement au terminal, puisque le supposé terminal central est fermé depuis un moment – merci le Routard pas à jour.

En route pour Cafayate

Lundi 24 février

Avec deux chambres différentes et une clé chacun, le réveil très tôt nécessite une bonne logisitque. Heureusement tout se passe comme sur des roulettes et nous nous retrouvons devant la chambre d’Hadrien. Pour aller à Cafayate, il faut nécessairement passer par Tucuman, ville sans grand intérêt, mais où nous aurons un peu de temps à tuer. La pluie s’invite arrivés au terminal et annule les ambitions de visite d’Hadrien. On se pose dans un café moyen avec un petit-déjeuner moyen. Pendant que je reste bien au chaud et au sec, Hadrien part visiter l’immense terminal/centre commercial où l’on peut manger au fast food et acheter des contrefaçons en tous genres. Avant de repartir, nous passons par la salle de repas et achetons une empanada pour obtenir le code du wi-fi. Nous recevons des nouvelles de Kévin et Émeline qui ont fait leur premier wwoofing ; mais il est maintenant certain que nous ne les croiserons plus en Argentine.

Sur la route vers Cafayate

Sur la route vers Cafayate

Avec le bus de la compagnie Anconquija, nous traversons des paysages magnifiques et passons d’un climat à l’autre avec une grande rapidité. La route traverse des montagnes très humides. Ça serpente entre les nuages. On monte jusqu’à 3000 mètres d’altitude puis on redescend tranquillement vers Tafi del Valle. Adieu forêt, lianes et humidité, bonjour vallées verdoyantes, soleil et chevaux. Le contraste est saisissant. Peu à peu, le climat est plus sec. On voit défiler les cactus candélabres et des paysages dignes de westerns. La roche est rouge et les vignes commencent à apparaître. On traverse quelques petits villages avec des maison en pisé et quelques chèvres. On remarque aussi qu’il y a pas mal de jeunes mochileros argentins. Ici c’est encore les vacances et le nord est, paraît il, très prisé des étudiants.

Drôle de maison à Cafayate

Drôle de maison à Cafayate

Nous débarquons à Cafayate sous un soleil de plomb et après un petit tour à l’office du tourisme ou l’on nous fournit un minimum d’infos avec un maximum d’antipathie, nous filons au camping Lorahuasi. Le terrain est loin d’être idéal pour planter la tente. Tout est très aride. Peu d’arbres et beaucoup de poussière. Nous avions hésité avec le camping juste en face (Luz y Fuerza) mais au final ils se ressemblent beaucoup. Vers 20h nous filons acheter de quoi manger un sandwich. Nous en profitons pour visiter le village encore très animé à cette heure ci. On se croirait presque dans le sud de la France. Sur fond sonore d’une voiture voisine, nous mangeons le délicieux Cafay, un sandwich composé de pain hamburger, avocat, tomate, fromage, sauce bbq et moustiques acharnés. Sous la tente, nous prenons la grande décision de nous lever à 5h pour prendre le premier bus qui va dans la quebrada (canyon) calchaquies. Ainsi nous pourrons voir le lever de soleil quelque part dans un lieu sacré indien. Pas mal le programme, je mets le réveil.

Quebrada et camping paradisiaque

Mardi 25 février

Le lendemain, à 5h donc, nous éteignons gentiment le réveil et décidons de dormir encore. Au final, nous partons en plein après-midi. Le bus nous dépose à la Garganta del Diablo, le premier site sacré qui est à 50 km de Cafayate. Il est possible de revenir en vélo en 5h environ ou de prendre un bus dans l’autre sens. C’est ici que nous rencontrons Belen et German, un petit couple de hippies tout charmant venu de Buenos Aires. Le premier site est très impressionnant. On comprend vite pourquoi ces formations rocheuses ont été sacralisées par les indiens. Nous crapahutons sur la roche.

Formation rocheuse sur la route de la quebrada

Formation rocheuse sur la route de la quebrada

Garganta del Diablo

Garganta del Diablo

Quelques centaines de mètres plus loin se trouve « l’amphithéâtre ». Belen et German nous proposent de les accompagner. Là encore, l’endroit est magique. D’autant que 3 couples de perroquets virevoltent au dessus de nos têtes en poussant des cris. Un musicien joue du charrango (petite guitare à 10 cordes) et une sorte de flûte de pan ; le son se répercute sur les murs. Nous sommes restés là une bonne heure.

El Anfiteatro

El Anfiteatro

Vol de perroquets dans l'Anfiteatro

Vol de perroquets dans l’Anfiteatro

German, Belen, nous deux et le retardateur rafale

German, Belen, nous deux et le retardateur rafale

Nous décidons avec nos deux comparses de faire du stop. En attendant qu’une voiture daigne passer par là, nous faisons quelques photos. Belen et German chantent et dansent sur la montagne, et nous offrent 5 petits cailloux choisis avec amour. Venant d’eux ça ne paraît pas débile du tout. En retour, je leur offre un caillou triangulaire que German utilise comme porte-bonheur quand Belen lève pour la première fois le pouce. Bingo ! Jorge nous emmène jusqu’à Cafayate, et en signe de reconnaissance German lui donne… Un caillou ! Notre conducteur propose même de nous emmener, Hadrien et moi, jusqu’à Jujuy le jeudi suivant. Génial ! Arrivés au village, nous décidons de changer de camping pour passer la soirée avec les autres. Mais avant, nous devons annuler nos billets de bus que nous avions achetés en avance (pour une fois…) puisque nous partirons avec Jorge. Belen et German tiennent à nous accompagner. Quand nous découvrons enfin le camping, on n’en revient pas : petits emplacements à l’ombre de la vigne pleine de raisins, grenadiers, cuisine commune super et douches chaudes ! Le tout pour beaucoup moins cher que dans l’autre camping ! Le rêve ! Au menu du soir, pizzas végétariennes maison, cuites au feu de bois et Fernet / jus de pamplemousse ! Ce soir là nous rencontrons plein d’autres personnes avec qui nous décidons de former un groupe pour partir à l’assaut de la montagne et des cascades le lendemain. Il y a Franco, jeune pilote d’avion chilien aux longs cheveux ; Fernando aux dread locks ; Maximo et Anton qui voyagent depuis le début des vacances entre le Chili, le Pérou et la Bolivie ; Fernando (qu’on appelera « Fer » pour plus de commodité) au t-shirt de Tintin en route depuis Buenos Aires jusqu’au nord argentin. Nous irons sans guide car Fer y est déjà allé et connaît le chemin. Rendez vous 8h30 !

Soirée pizza maison et didgeridoo

Soirée pizza maison et didgeridoo

Les cascades de la mort

Mercredi 26 février

De bonne heure et de bonne humeur. Nous déjeunons de beurre de cacahuète (ça tient au corps) et de grappes de raisin. Après avoir acheté de quoi grignoter à midi, nous partons enfin à l’assaut du sentier. On forme un groupe digne des épopées de Tolkien. Ça a de la gueule ! Sur cette première partie, ça cause politique, écologie, permaculture, huiles essentielles… Une caravane de hippies un peu clichés mais ravis ! Enfin, arrivent les choses sérieuses. Nous notons tous nos noms dans le registre (au cas ou on tomberait dans une crevasse) et entamons le vrai sentier, joints par Leandro que nous venons de rencontrer. Comme d’habitude, un chien s’accroche à nous. Ici, les chiens sont vraiment des guides. En un mois et quinze jours passés dans ce pays, nous n’avons pas rencontré un seul chien méchant. Pourtant ils se promènent en gangs dans les rues et semblent n’appartenir à personne.

L'une des cascades de la brochette

L’une des cascades de la brochette

Le début du chemin était relativement facile, bien que très mal indiqué. Quelques traversées de rivière, une pente assez douce. Ça discute encore mais plus pour très longtemps. Le sentier est devenu vite assez ardu et on a tous commencé à avoir le souffle court. Jusqu’ici on se disait tous que tant que le chien pouvait passer, nous aussi. Jusqu’à ce qu’il se retrouve coincé en haut d’une pente, trop apeuré pour nous suivre. On l’a entendu hurler à la mort jusqu’à ce qu’on s’éloigne vraiment. Notre guide nous avait abandonné, on avait les pieds détrempés et on allait bientôt devoir escalader… À ce moment là j’ai presque maudit le Routard de résumer la balade à une seule pauvre phrase. Mais j’ai surtout béni le fait qu’on soit partis avec notre chère tribu bien vaillante et bienveillante. C’est les jambes tremblantes et la fierté d’avoir fait le plus gros du chemin qu’on s’arrête pour grignoter des galletitas au dulce de leche.

Grignotage à l'argentine

Grignotage à l’argentine

Hadrien et Belen se félicitent presque d’avoir survécus. Les petites tensions et les coups de blues dus à la méga trouille s’évanouissent d’un coup ! Encore un petit effort et nous débarquons enfin à la 4ème cascade. Hadrien épate tout le monde en se jetant dans l’eau glacée en moins de deux, certains font du toboggan sur les rochers, d’autres partent méditer plus loin ou donnent des cours de bol tibétain… Retour à la normale pour notre colonie de vacances hippie !

La cascade finale

La cascade finale. Le rocher à gauche fait office de toboggan

Maximo en pleine contemplation

Maximo en pleine contemplation

Le retour est bien plus simple, on déambule entre les cactus candélabres, on s’arrête pour fabriquer une paire de chaussures organique à Leandro qui a perdu une espadrille dans la bataille et pour observer les paysages grandioses, ce que les cactus voient tous les jours. Après quelques photos marrantes au mirador, on redescend tranquille jusqu’au lit de la rivière asséchée. Tout le monde connaît la route de retour. On s’éparpille car chacun va à son rythme.
Sur la route, Franco ramasse des figues de barbaries. Ce sera parfait pour le goûter.

Vue sur la rivière asséchée

Vue sur la rivière asséchée

Fernando Moïse ouvrant les monts

Fernando « Moïse » ouvrant les monts

Le soir venu, je m’écroule dans la tente pendant qu’Hadrien fait la popote (du guiso) avec quelques autres courageux, en buvant des coups. Franco, fin saoul, fait rire tout le monde jusqu’à ce qu’il finisse par s’endormir sur un banc. Je me relève vers 4h du matin pour surveiller tout ce petit monde et observer le ciel magnifique.

Photo de groupe sur la montagne

Photo de groupe sur la montagne. De gauche à droite : Hadrien, Leandro, Fernando « Moïse », German, Belen, Anton, Jumaï, Franco, Fer

Hadrien raconte : une longue soirée

À part Franco, tout le monde est complètement lucide, et c’est ce qui rend la situation amusante. Tapant du poing sur la table, Franco chante (scande ?) de célèbres chansons argentines et chiliennes ; tout le monde le reprend en cœur. Pour nous accompagner, nous avons du bon vin local vendu pour trois fois rien en énormes bouteilles consignées. Même si je ne comprends pas tout des conversations, et ne connaît pas une phrase des chansons chantées, je passe du très bon temps avec le grand groupe. À ceux déjà présents aux cascades, il faut ajouter un autre chilien (pardon, impossible de me rappeler son prénom) et l’ami de Fernando « Moïse » avec qui il voyage, Lukas. Petit à petit, après que Franco se soit écroulé sur un banc, tout le monde va se coucher, sauf Lukas, Maximo, le chilien et moi. German, qu’on avait pas revu depuis le chemin du retour de randonnée, reparaît pour manger des restes de guiso qu’il rapporte à Belen dans leur tente. Quant à moi, je vais voir où en est Jumaï dans son profond sommeil, et elle décide finalement de se lever pendant que je me brosse les dents ! C’est reparti pour un autre temps de discussion, bien plus tranquille avec un groupe plus réduit. Lukas nous donne un livre, El Cambio, du Dr. Wayne Dyer, qu’un autre voyageur lui a donné ; il nous invite à le donner à notre tour quand nous l’aurons fini. Mais nous ne le finirons jamais. Alors que nous croyions que c’était un roman, nous comprendrons plus tard qu’il s’agit d’un livre de développement personnel. De chapitre en chapitre, le bouquin enchaîne les conseils faciles pour « changer sa vie » avec un vocabulaire pour illuminés. Désolé Lukas, mais ce n’est vraiment pas notre tasse de thé.

Il doit être pas loin de 4h du matin, et déjà c’est l’heure du réveil pour Fernando « Moïse », Lukas et… Franco. Leur but : obtenir un bus très tôt pour monter dans un train ensuite. Ça commence à sentir l’échec quand Franco, sorti de sa torpeur et toujours torse nu, gueule devant la tente de German et Belen pour qu’ils lui fassent une petite place au chaud. Peu après, à demi-endormi dans la tente, je crois entendre le rangement des affaires de Lukas et Fernando.

Ce qui est sûr, c’est que le lendemain, les trois gars reviennent au camping faire un dernier coucou. Ils n’ont pas eu leur train, et vont tenter d’autres solutions. En se couchant aussi tard (ou tôt ?) il ne fallait pas trop espérer non plus.

Au frais sous les vignes

Jeudi 27 février

Le lendemain, j’apprends avec Belen et Germen à faire des chappatis, des galettes de blé cuites au feu de bois (ou ce matin, à la poêle) qui seront parfaites avec notre « crema de maní ». Hadrien, lui, range la tente jusqu’à ce qu’on décide de rester. Maximo et Anton prennent la même décision.

Atelier de macramé à l'ombre des vignes

Atelier de macramé à l’ombre des vignes

Décidément, ce petit coin de paradis et cette tribu nous retiennent. L’après-midi est bien tranquille. Nous apprenons à faire des bracelets en macramé à l’ombre de la vigne en mangeant des grenades… Trop dure la vie ! Deux autres campeurs repeignent les bancs en bois, apparemment ça ne dérange pas du tout le propriétaire, Juan. Sans sa bienveillance, tout cela aurait été impossible. Le soir, nous filons dans un bar faire un peu d’Internet et revenons faire la cuisine avec tout le monde. Chacun s’active dans la bonne humeur. C’est reparti pour une tournée de chappatis garnis de petits légumes délicieusement préparés! German propose une séance de méditation avec bol tibétain et dijeridoo. Hadrien n’est pas chaud mais moi je tente l’expérience avec Maximo. La soirée se poursuit à grand renforts de blagues et d’anecdotes diverses.

Midi peinard au camping du paradis

Midi peinard au camping du paradis

Jusqu’à Salta dans un four

Vendredi 28 février

Il faut bien partir un jour. Nous nous levons de bonne heure et déjeunons de grenades, de raisins et de beurre de cacahuète. La petite bande émerge doucement. On prépare le maté, rangeons tranquillement les affaires et finalement, réussissons à décoller de notre camping préféré après avoir cueilli quelques grappes de raisin. Maximo et Anton partent avec nous. Avant de pendre le train à Tucuman, ils veulent visiter la quebrada. Quant à Fernando, il va vers Jujuy aussi. Du coup, nous partons tous ensemble et marchons sous le soleil de midi (excellente idée) pour faire du stop. Nous décidons de nous séparer pour plus de facilité. Maximo et Anton partent devant. La route n’est pas très empruntée à cette heure ci et les quelques voitures qui passent nous ignorent totalement. Au bout d’une petite heure, nous retrouvons nos amis assis à l’ombre d’un arbre. À peine les avons nous rejoint qu’un camion avec une grosse benne nous ramasse tous. Parfait timing.

Four de luxe

Four de luxe

À bord, il y a déjà un jeune argentin et une autrichienne en couple. Nous sommes tous ravis de nous retrouver et dans le four de tôle ça fredonne l’hymne du camping: « La vie en rose » en mangeant des raisins. Un dernier coup d’œil aux roches multicolores, un dernier au revoir aux amis et nous voilà sur la route vers Salta. Les routiers s’arrêtent pour déjeuner dans un village endormi par la chaleur. Seul le restaurant du coin semble encore animé. La vilaine tenancière du boui-boui refuse de nous servir des frites et nous nous rabattons sur une pizza. Nous repartons au zénith et cherchons tous les moyens possibles pour ne pas trop cramer dans notre benne métallique, notre four.

Dernier regard sur la quebrada

Dernier regard sur la quebrada

Les conducteurs nous déposent finalement un peu à la sortie de Salta. Nous marchons jusqu’au terminal de bus. Nous avons deux heures de libre avant de monter dans le bus pour Jujuy. Le temps pour Fer’ de réparer son sac à dos et pour nous de glander dans le parc à côté du terminal. Nous n’aurons pas vraiment visité le centre de la ville et n’avons donc pas bien compris pourquoi Salta était surnommée la Linda… À 18h, nous embarquons dans notre bus. L’air est chaud et moite. Le soleil se couche et nous piquons finalement tous un roupillon. Nous arrivons à Jujuy à 21h30. Bien qu’il fasse nuit, la ville grouille. C’est pas l’ambiance que je préfère. Nous écumons les auberges, toutes très chères (80 pesos la nuit) et errons dans la ville. Deux bonnes heures passent avant que nous tombions sur l’office du tourisme. Il est minuit mais la porte est ouverte. On s’engouffre, un gardien nous rattrape. C’est fermé bien sur. Devant nos mines déconfites, il nous fait quand même entrer et nous laisse entre les mains d’un très très gentil monsieur qui se plie en quatre pour nous trouver des hôtels à 50 pesos. Il nous offre mille brochures sur la quebrada de Humahuaca et le carnaval, passe des coups de fil, ouvre des registres… Notre héros ! Il nous a dégotté un hostal dans un quartier excentré et un peu glauque. Il est minuit, on est crevés, on marche depuis des heures dans la ville et on débarque dans un hôtel étrange en bas duquel une fête bat son plein. Finalement nous partageons une chambre avec salle de bain privée, le tout pour 150 pesos ! Malgré la musique très forte, nous dormons comme des bébés.

Le caillou triangle, Théophile et Simba dans la quebrada

Le caillou triangle, Théophile et Simba dans la quebrada

L’envers de Santiago

7 Avr

Sim City Santiago

Retour à Santiago

Mardi 18 février

Tout près de la maison d’Isla Negra, il est très simple de prendre un bus. Un abri fait de résine coulée autour de bouteilles en verre (cassées) un brin kitsch nous permet de poser nos fesses et nos sacs. Le bus nous mène dans la soirée à la capitale. Nous allons dans une auberge que Raphaël et Laure nous avaient conseillée, dans le même coin que celle d’avant, mais en moins chère : Terra Extremus.

Nous arrivons à l’auberge assez tard, donc manquons le rituel quotidien de l’auberge : la bière gratuite. Il n’est pas tant question de boire des coups mais plutôt de faire se rencontrer les gens. Ça tombe bien, on est fatigués et on a pas vraiment l’ambition sociale ce soir, d’autant plus que nous devons retrouver Fabián à 10h le lendemain. Fabián est le petit ami de Camille, notre ancienne voisine qui l’a rencontré par un échange avec le Chili au lycée. L’occasion de connaître l’envers de Santiago des yeux d’un jeune Santiaguino, et de parler espagnol à fond.

Divertissement citadin

Mercredi 19 février

Au petit-déjeuner nous rencontrons les deux Antoine, originaires du nord de la France. Ils font aussi une pause au milieu des études et font un tour du monde. Nous avons rendez-vous à la station Baquedano, que nous pensions bien connaître depuis le temps. Mais on se pointe à la mauvaise sortie et nous mettons beaucoup de temps pour nous retrouver.

Comme nous étions déjà dans le quartier avant, nous avions déjà visité la feria artisanale non loin de la station. Nous y attendons Alonso, ami du lycée de Fabián. Ils étaient dans la même classe mais sont maintenant dans deux cursus différents. Tous deux parlent très bien français, ce qui nous permet à tous d’apprendre de la langue de l’autre. À pied nous rejoignons le Cerro San Cristóbal, puis le montons jusqu’à mi-distance avec un ascensor assez cher ; nous terminons l’ascension à pied.

Vierge immaculée

Vierge immaculée

En haut, une vierge immaculée géante surveille Santiago, impassible malgré une échelle plantée dans son dos. Nous aussi profitons de la vue superbe, qui permet mieux qu’ailleurs de comprendre la morphologie de la ville. Visiblement les chiliens ne cherchent pas à se développer sur les montagnes, la ville ressemblant d’ici à une mer de béton. Quelques îlots de topographie récalcitrante se distinguent, comme le Cerro Santa Lucia ou une colline réservée à des indigènes.

Vue du Cerro San Cristóbal

Vue du Cerro San Cristóbal

On se promène ensuite tranquillement jusqu’en bas en nous perdant un peu. Nous faisons deux allez-retour sur la colline pour se rendre compte que nous étions dans le bon sens. Pour trouver notre chemin, Alonso interroge des policiers, et même une cycliste en montée, essoufflée et donc peu à même de parler. Il faut préciser que si le Cerro Santa Lucia est un repaire d’amoureux, le Cerro San Cristóbal est le royaume du vélo. Idéal pour un tour en VTT car peu fréquenté par les voitures, bien goudronné et vertigineux en descente. Cela n’empêche pas les accidents, en témoigne un carambolage dû à quelques jeunes têtes brûlées.

Faire du vélo à Santiago, c'est bon pour les poumons

Faire du vélo à Santiago, c’est bon pour les poumons

Nous arrivons en bas par un quartier aisé. Objectif : Costanera center, la plus grande tour de Santiago, encore en construction, avec un mall (centre commercial) en dessous. Sur le chemin, nous traversons le quartier des affaires, dans la commune de Las Condes. Plutôt riche, elle a pu construire une mairie en structure béton extérieure, à mon sens le plus beau bâtiment du secteur.

Mairie de la commune de Las Condes

Mairie de la commune de Las Condes

Une fois dans le mall, Alonso cherche désespérément sa taille pour un t-shirt dans plusieurs magasins. Pour manger, nous allons dans une immense salle de restauration ; autour des tables surpeuplées, on peut choisir ce qu’on veut, de la pizza au KFC. On ne vient nous-même pas pour de la grande gastronomie, mais des italianos chez Dominó, connus et pas chers. Nous mangeons deux italiano chacun, Jumaï avec une sauce « américaine. » Un délice ! Nous sortons du mall en passant par une passerelle. Nous allons digérer dans un parc avec des fleurs, haies et fontaines.

Repos dans un parc

Repos dans un parc

Nous allons dans un autre mall, Parque Arauco. On mange une bonne (mais pas extraordinaire) glace chacun mais la quantité est démentielle. J’arrive à peine à finir la mienne au manjar (nom chilien pour le dulce de leche) et vanille ; Alonso et Jumaï jettent l’éponge et Fabián presque. Je ne parviens pas à finir celle d’Alonso, horreur, il a falloir gâcher de la nourriture !
Ensuite, petit tour par une librairie du mall pour trouver des livres sur les Mapuches, indigènes et légendes de Chiloé, en vain. Alonso lit Condorito ; moi je trouve un petit précis de construction type Neufert en espagnol – dommage qu’il évoque des normes espagnoles et non françaises.
À la sortie du mall, nous prenons le taxi pour peu de temps mais moins cher que le métro, jusqu’à Los Dominicos, où il y a un fameux village d’artisanat. Le chauffeur connaît des enseignants du collegio de Fabian et Alonso. Le village d’artisanat est un peu cher, même si certains magasins le valent largement ; nous n’y achetons rien et alors que nous croyons avoir perdu Alonso, nous nous prélassons sur un banc. Il y a de la fatigue dans l’air.
Sur le chemin vers le métro, nous passons par un parc de jeu. Entre autres réjouissances, balançoires et musculation pour les mecs, les durs, filmés par Jumaï, reconvertie en cadreuse de téléachat.

Recréation

Recréation

Nous prenons ensuite le métro, fatigués (éreintés même) on se dit au revoir à la station Baquedano. Les deux super guides restent dans la rame, ils ont encore un long chemin jusqu’à leurs maisons respectives. Demain soir nous nous retrouvons tous chez Fabián pour un repas familial.

À peine arrivés à l’hôtel, nous faisons volte-face au métro pour téléphoner Thomas d’une cabine. C’est un ami de Julie, la cousine de ma mère. Nous ne nous connaissons pas encore, et ce sera un plaisir de le rencontrer. Un gars qui venait de téléphoner nous aide pour savoir les codes à saisir avant notre numéro, ce n’était pas évident. Je remplis les pièces régulièrement pendant que Jumaï appelle ; rendez-vous est pris pour le repas, à 13h demain.

Nous revenons à l’auberge juste à temps pour la bière gratuite, pas tant pour l’alcool que pour rencontrer des gens. En face, trois américaines – aux valises monstrueuses – qui voyagent ensemble parlent de tour en hélicoptère à Ushuaia, nous n’avons pas les mêmes valeurs. Je parle avec deux sympathiques brésiliens, puis avec un couple de polonais qui vit en Norvège et les deux Antoine. La polonaise est architecte et elle me recommande le pays nordique pour y travailler. Quant à l’un des Antoine il m’invite chez lui, dans le Nord ! Il nous parle du carnaval là-bas et de sa bonne ambiance, une caractéristique que celui de Nantes n’a définitivement pas. Regarder des chars les bras croisés n’est pas vraiment ce qu’on attend d’un carnaval, pourtant ça existe. Parmi les autres personnes présentes à l’apéro, un Argentin agaçant frime sur sa guitare, et un autrichien propose de passer de la musique sur son ordinateur. J’en profite pour mettre Kraftwerk.

D’une famille à l’autre

Jeudi 20 février

Comme nous nous levons assez tard, on doit acheter en quatrième vitesse une bouteille de vin et des chips pour chez Thomas. Un taxi nous emmène comme prévu là-bas, mais le chauffeur ne suit pas mes instructions et se perd. Au lieu de suivre la costanera norte jusqu’au rond-point au bout (comme je lui avais précisé), il bifurque trop tôt et nous fait payer beaucoup trop cher – maudit compteur.
Nous arrivons enfin chez Thomas et ses trois fils, dans le quartier de Vitacura. Autour des rues bordées d’arbres, les grosses maisons bien gardées montrent clairement le niveau de vie moyen du coin. Nous apprendrons plus tard que de nombreux cambriolages ont tout de même lieu, sûrement la faute à de nombreux mouchards qui contrôlent les allées et venues. Nôtre hôte, lui, n’a jamais été cambriolé, et prépare un délicieux barbecue avec de bons légumes, les trois garçons regardent Adventure Time. On essaie de parler entre adultes mais les mômes attirent l’attention et le font bien, ils sont adorables. Après un délicieux repas, l’après-midi se déroule entre carte Pokémon pour moi, piscine pour Jumaï pendant que Thomas peut vaquer à ses occupations. La chienne Pacha, gentil labrador, trouve le moyen d’outrepasser son interdiction de sauter dans la piscine. D’où la barrière grillagée qu’il faut toujours laisser fermée, la chienne étant allergique au chlore.

Sim City Édition Santiago

Sim City Édition Santiago

Après le goûter des trois garnements, nous partons avec la voisine et son fils sur une colline du coin. De là nous profitons d’une jolie vue sur la ville, et avec le coucher du soleil tout proche on se croirait presque dans une simulation. Les garçons aménagent quant à eux leur cabane située entre des buissons, formellement interdite aux adultes !
Nous revenons à leur maison pour dire au revoir, puis partons à pieds au supermarché à l’angle. On voit bien que ce dernier est dédié aux expatriés au habitent le quartier : il y a des bières belges, divers produits d’importation d’habitude difficiles à trouver. On achète quelques victuailles pour chez Fabián. Jumaï est chanceuse, car Thomas arrive en courant, et me rend la veste en jean qu’elle avait oubliée. Nous attendons un bon moment un taxi qui nous emmène près de l’auberge.
Déjà à la bourre, nous récupérons nos sacs à l’auberge qui n’a malheureusement plus de place pour ce soir ; nous allons donc accepter la proposition d’hébergement de Fabián.
Nous arrivons en retard au rendez-vous à la station de métro Las Rejas, heureusement on tombe pile sur Alonso et Fabián. Jusqu’à chez lui il reste encore à prendre un bus surpeuplé, avec nos pesants mochilas on est pas loin du tetris. Nous rencontrons Jovina, son neveu Cristobal et le petit frère de Fabián, Miguel. La soirée commence par l’apéro, pendant lequel Cristobal, 10 ans, nous pose tout un tas de questions marrantes, comme « comment sont les écoles en France ? » Ensuite, nous devons resté assis pour le repas, pas le droit de se lever pour aider ! Nous dînons de poisson et salades, puis nous goûtons enfin le fameux pevre chilien, un mélange de tomates hachées, oignon, ail et piment qui lui donne son piquant spécial. Un délice sur du pain ! Enfin, nous sommes gâtés par un plat de fromages, spécial pour les français que nous sommes. Vers 23h, Alonso doit partir, il doit travailler à l’aéroport le lendemain et résiste à la tentation de rester, lui aussi, dormir ici cette nuit.
En attendant sagement le retour du papa, Miguel, on discute, regarde la télé, joue à Dragon Ball Budokai Tenkaichi. Cristobal est un grand fan de Dragon Ball et tanne ses cousins pour jouer. Malheureusement, il sera impossible de jouer l’un contre l’autre, il n’y a qu’une seule manette.
Quand Miguel arrive, il est déjà 1h30 du matin. Il lui manque un employé dans son commerce pendant l’été et il doit faire des heures supplémentaires. Il a l’air épuisé et n’a pas faim, ça ne m’empêche pas de discuter avec nous un bon moment. Arrivé en moto, il a laissé son casque à Cristobal qui joue au cosmonaute. Malgré son énergie qui paraissait illimitée, il finit par s’endormir sur le canapé avec le casque sur la tête, ce qui lui vaut le sobriquet de borrachito donné par Jovina. À 3h du matin, nous allons nous coucher dans notre chambre personnelle, celle du grand frère de Fabián. Le luxe !

Pantoufles santiaguines

Vendredi 21 février

Excepté Miguel parti très tôt, toute la famille (y compris Jumaï et moi) se lève très tard, vers 12h. Si on ajoute le temps de se lever, se laver, cela donne un petit déjeuner à 13h, avec avocat et fromage pour bien démarrer la journée. Ensuite, nous ne faisons absolument rien, à part regarder des albums de coupe du monde et jouer avec des autocollants. Jumaï et moi finissons par partir à 17h pour le marché de Vega. La plupart des boutiques sont fermées mais nous trouvons quand même de délicieux fruits (pastèque, fruits rouges). Aux marché aux fleurs, une vendeuse nous truande sur un bouquet – tant pis pour le prix, c’est pour offrir à Jovina. Sur le retour, nous passons par le terminal pour acheter nos billets pour traverser la frontière demain. De retour chez la famille de Fabián, nous attendons le papa pour un barbecue sur un cuiseur électrique. Sur l’ordinateur de Fabián, nous regardons un match entre Universidad de Chile (que Fabián supporte) et l’Audax Italiano. La partie se termine par un 3-3 haletant mais forcément décevant malgré le rattrapage de la U en deuxième période. Miguel arrivé, nous passons ensuite une excellente soirée qui réussit à finir encore plus tard que la veille : 4h. Plus tôt, Cristobal est reparti chez lui avec son beau-père, toute la famille peut enfin souffler. Il faut dire que le gamin, bien qu’adorable, nécessite une attention de tous les instants et peut donc fatiguer à force.

Au revoir Chili

Samedi 22 février

Nôtre bus part tôt et toute la famille se lève avec nous. Entre le petit déjeuner et la photo-souvenir devant la maison, nous partons un peu tard par rapport à nos prévisions. Fabián nous accompagne au terminal, et tout juste avant le départ nous réussissons à acheter quelques souvenirs des deux plus fameux clubs de football du Chili : Colo-Colo et Universidad de Chile, éternels rivaux. Sur le quai, Fabián reste pour nous saluer jusqu’au départ vers l’Argentine. Nous n’avons qu’une hâte : revenir au Chili.

La famille du bonheur

La famille du bonheur

Qui monte, qui monte, qui monte

18 Mar

Vue des hauteurs de Valparaíso

Vendredi 14 février

Nous arrivons à Valparaiso, Valpo pour les intimes. La route du terminal au Cerro Carcel est bourrée de petites échoppes qui vendent des ballons en formes de cœur, des chocolats et des babioles en tout genre. Aujourd’hui c’est la Saint-Valentin. On débarque totalement. Hadrien demande à un jeune couple la direction du centre ville. Perplexe, la fille rigole avant de nous expliquer qu’on ne peut définitivement pas parler de « centre ». La ville s’étend en effet sur plusieurs kilomètres. Après avoir indiqué le Cerro Carcel donc, nous filons à l’auberge Verde Limon, conseillée par le Routard. Tout est très joli. La petite place juste devant l’auberge est recouverte de mosaïque. Le problème c’est que nous sommes vendredi et qu’il n’y plus grand chose de libre. Pour le soir nous décidons de prendre la seule chambre encore libre : le loft. Pour 25000 pesos chiliens, soit moins qu’à l’auberge de Santiago, nous avons une chambre immense avec cuisine, salle d’eau et télé ! Le luxe ! Nous réservons aussi nos deux nuits en dortoir pour les jours d’après. Mais pour la nuit de demain, il n’y a rien de rien. Nous partons donc à la recherche d’une autre auberge. Nous en profitons pour flâner dans les rues et mitrailler les murs. Les artistes porteños sont bigrement doués et on ne sait plus ou donner du regard.

Baleines murales

Baleines murales

Nous finissons par atterrir a La maison de la mer, une autre auberge conseillée par notre guide. Lorsque le propriétaire arrive, la première question qu’il nous pose est : où se trouve le mont St-Michel. C’est notre billet d’entrée dans l’auberge. L’endroit est très sympa aussi, nous allons pouvoir profiter du petit jardin et de la jolie tonnelle. Le dortoir réservé, nous retournons nous balader. Sur notre chemin nous nous laissons guider par l’odeur du pain chaud. La piste nous amène jusqu’à un lieu autogéré, une résidence d’artistes que nous visitons en attendant la prochaine fournée de pain. Notre butin en poche nous filons skyper à l’hôtel. Hadrien part chercher notre petit déj’: Toddy et confiture artisanale. Après cette première journée nous profitons du câble avachis sur le lit. Pas moyen de regarder Adventure Time, alors nous nous rabattons sur des débilités : Next et Titanic mal doublé.

Samedi 15 février

J’essaye, via le téléphone de l’auberge, de contacter Valentina afin qu’on puisse se voir. Pas de réponse. Une grosse demi-heure plus tard, la fille de l’auberge court dans les escaliers pour m’apporter le téléphone. À la voix de Valentina, je devine que je l’ai réveillée. Nous nous donnons quand même rendez vous vers 15h. En attendant, Hadrien et moi allons faire une grande balade dans la ville qui, décidément appelle à la flânerie. Sur le port se pressent les touristes qui, comme nous, sont venus observer les impressionnants porte-conteneurs.

Dans le port de Valpo

Dans le port de Valpo

D’autres s’amassent près des embarcations qui les emmèneront faire le tour du golf. Les rues voisines sentent très fort, et sur une place de vieux alcooliques décuvent ou continuent à boire. Nous grimpons finalement sur le Cerro Cordillera par un vieil ascensor en bois. De là haut, la vue est très belle et nous faisons doublement attention, de nombreux Porteños nous ont prévenu que le quartier est dangereux. Cela a-t-il à voir avec son ancienneté ?

Escalier infini jusqu'au Cerro Cordillera

Escalier infini jusqu’au Cerro Cordillera

Nous descendons par les 1526943 marches le long de l’ascensor puis filons à la plaza Anibal Pinto en bas de la rue Cumming pour rejoindre notre amiga. Nous montons ensuite au Paseo 21 de Mayo, où un mirador permet d’observer le port de très près. Hadrien ne regrette plus de ne pas avoir pu entrer dans le terminal portuaire.

Terminal à conteneurs de Valpo

Terminal à conteneurs de Valpo

Au loin, dans la baie, on devine la petite sœur de Valpo: Viña del mar. Sur un axe parallèle au littoral nous prenons un trolley, bus électrique à mi-chemin entre le tram et le bus. C’est une des fiertés patrimoniales de la ville, pas vraiment plus utile qu’un autre moyen de transport, mais définitivement plus charmant.

Retour dans les hauteurs – précision quasi inutile à Valparaíso – dans les agréables paseos Atkinson et Gervasoni. Habiter ici avec cette incroyable vue doit être fort plaisant. Au bout du paseo Atkinson, point de M.Bean (haha), mais une oeuvre consistant en un mégaphone qui communique avec son jumeau sur le Cerro Concepcion. Ainsi, deux gosses communiquent sans efforts et font connaissance, les adultes, si peu spontanés, ne tentent pas l’expérience.

Mégaphones en vis-à-vis

Mégaphones en vis-à-vis

D’en bas, nous passons rapidement voir l’intérieur du « J Cruz » que nous retrouverons plus tard. De nouveau nous prenons un ascensor pour le Cerro Concepcion pour tester l’autre mégaphone. Surtout, on peut descendre d’un mirador en… toboggan ! Hadrien s’en donne à coeur joie comme de nombreux enfants.

Hadrien content

Hadrien content

Ensuite, après une ultime descente, nous prenons un bus pour Viña del Mar. Valentina connaît bien puisqu’elle vit ici. Le bus trace à vive allure jusqu’à la ville. Nous visitons d’abord une grande feria artisanale (où je déguste une brochette de fraises au chocolat) puis, un joli parc où se tient chaque année le fameux festival de Viña et, enfin, nous marchons jusqu’à un bar à l’ambiance mexicaine pour savourer les meilleurs mojitos de la ville en mangeant des tortillas. L’ambiance de Viña est très différente de celle de Valparaiso. Beaucoup moins populaire, moins authentique, c’est une station balnéaire ni plus ni moins. Ceci dit j’aime beaucoup observer les vacanciers paisibles, serviette sous le bras.

Déambuler des heures dans cette ville qui monte et qui descend nous a ouvert l’appétit. Les tortillas pour l’apéro n’ont fait qu’empirer les choses. Comme le ventre d’Hadrien supplie pour manger une chorrillana, Valentina décide de nous emmener dans un restau réputé. Retour à Valpo. Malheureusement ledit restaurant est à court de ce plat traditionnel porteño. La question est, comment est-il possible de manquer des principaux ingrédients de ce met diététique ? Autrement dit : de frites, d’oignons et de viande?
Qu’à cela ne tienne, direction un autre restaurant, le place to be de la chorrillana : le non moins réputé « J-Cruz ». Le lieu est très connu. Autant par les touristes que par les gens de Valpo. Son côté typique et kitch attire les foules. Les nappes, les chaises, les murs sont recouverts d’écritures. Depuis des temps immémoriaux, les gens écrivent leurs annonces, mots doux, conneries, blagues et états d’âme au crayon Bic. Les hiéroglyphes ont commencé à coloniser les murs puis les gens ont collé des photos d’eux ou de leurs proches. Si bien qu’on ne sait plus trop si l’on est dans une église, un musée, un journal intime, une brocante (pléthore d’objets kitchissimes) ou un restau.

Chez J Cruz

Chez J Cruz

Nous partageons donc un plat de chorrillana en écoutant de vieux chants populaires repris en cœur par tous les clients, chantant la bouche pleine de frites. Ça sent l’oignon, on mange gras, un vieux joue de l’accordéon : on adore. La soirée se termine le ventre bien rempli. Nous rejoignons notre petite auberge La maison de la mer à pas feutrés. Nous avions peur de déranger notre hôte car nous n’avions pas de clefs, et il pensait que nous lui avions posé un lapin.

Dans la rue de la Maison de la mer

Dans la rue de la Maison de la mer

Dimanche 16 février

Après un bon petit déj’, nous passons la matinée dans le jardin sur le site Work Away. Nous cavalons pas mal en Amérique du Sud et nous aimerions changer de rythme aux USA, nous poser pour apprendre, rencontrer des gens et découvrir des régions de façon plus approfondie. Nous partons ensuite nous promener dans le coin de la Sebastiana, une autre des trois maisons de Pablo Neruda.

La Sebastiana

La Sebastiana

Nous ne cherchons pas à la visiter puisque nous comptons voir celle d’Isla Negra, et nous nous contentons du parc public. La poésie est à l’honneur sur les murs de la rue avec des vers de Garcia Lorca. Les mots rythment notre descente jusqu’au musée à ciel ouvert. Deux différences avec les graffitis qui couvrent les murs de la ville. La première, c’est la présence de plaquettes donnant le nom de l’artiste ; la deuxième, c’est que les œuvres sont malheureusement vandalisées, ce qui arrive si peu dans la rue. On a beaucoup de mal à trouver toutes les peintures du musée, si bien que nous sortons par un coin délabré qui ne nous inspire pas vraiment. Rebroussant chemin, nous passons par des ruelles, des escaliers labyrinthiques accompagnés par un chien chasseur de chats. Nous passons par des coins relativement aisés, où les maisons sont neuves, de bonne facture et possédées par des étrangers. Ça tranche avec la baraque/squat ouverte aux quatre vents que nous avions vu tout-à-l’heure.

Pasaje Santa Margarita

Pasaje Santa Margarita

L’heure des provisions a sonné. Je n’ai envie de rien en particulier et choisir ce que nous allons mangé est un calvaire. Nous trouvons le réconfort dans un pot de beurre de cacahuète importé des États-Unis. Au menu ce soir : lentilles, pâtes et bien évidemment avocats, toujours délicieux au Chili, quelque soit leur provenance. Le mélange lentille-pâtes intrigue quelque peu Tamara et Vladimir, deux chiliens du sud avec qui Hadrien va passer la soirée. Moi je pars me coucher.

Hadrien raconte : Vladimir et Tamara mangent frugalement ce soir : saucisson, fromage et vin. Pour eux, venir en vacances au nord est coûteux, le sud étant plus pauvre. Pour leur niveau de compétence, leur salaire n’est clairement pas à la hauteur. Quand on sait que Jumaï et moi avons travaillé au SMIC pour partir 6 mois en voyage… Pour autant, en faisant un rapide calcul, il apparaît que notre budget n’est pas démentiel par rapport au niveau de vie d’un chilien moyen : 1200000 pesos chiliens pour 2 mois et 3 semaines de voyage, quand un salaire mensuel décent au nord est de 1000000 pesos chiliens. Comme souvent, nous en arrivons aussi au sujet de la cuisine. Cette fois, j’essaie d’expliquer la différence entre la mostaza – sorte de savora – commune au Chili et la moutarde de Dijon à proprement parler, quasi introuvable. En Argentine, la confusion est impossible puisque la savora s’appelle justement savora. Nous discutons ainsi de nombreuses heures jusqu’à nous rendre compte qu’après minuit, nous ne sommes pas sensés faire du bruit dans la salle commune. Tant pis !

Lundi 17 février

Le 17 février est un grand jour ! Nous nous réveillons de nouveau dans l’auberge Casa verde Limon et déjeunons de pain et beurre de cacahuète ! Nous faisons goûter la pâte à Tamara et Vladimir, qui ne parviennent pas à finir leur cuillère. Comme nous faisons du tourisme gastronomique (d’aucuns diront qu’on est juste des ventres sur pattes), nous filons juste après vers un restaurant pour fêter l’anniversaire d’Hadrien comme il se doit. Sur la route nous croisons Laure et Raphaël que nous avions rencontré à Bariloche, et ils sont dans le même hôtel que nous, à ceci près qu’ils ont l’annexe luxueuse. Ce ne sera pas la dernière fois que nous les croiserons. Il est déjà 13h et le restaurant que nous visions près de la Sebastiana est fermé, lundi oblige. Y compris sur la rue Almirante Montt beaucoup de restaurants restent clos et nous trouvons finalement une place dans un lieu assez chic mais très bon. Le credo du restau est de mélanger la cuisine européenne à la cuisine chilienne. Au menu donc : ceviche de poissons, poulpe, petits légumes savoureux et vin chilien.

Histoire de bien digérer, Hadrien retourne à l’auberge en courant, dévalant les pentes tel un puma afin d’arriver à l’heure au rendez vous skype avec la familia car nous sommes restés 4h à discuter autour de nos plats. N’ayant pas sa force et son courage (c’est surtout que c’est son anniversaire. Je le laisse gagner la course pour une fois), je fais une pause pour reprendre mon souffle dans une friperie.

Gâteau à distance, cadeau à retardement en marque-page, petits mots sur le site et album de Condorito (le héros de BD national chilien) : Hadrien est ravi.

Le soir nous retrouvons Valentina. Nous nous pointons devant le bar mais le vigile nous recale car nous n’avons pas nos cartes d’identités… Les chiliens sont paraît-il très stricts avec ça. Un petit aller retour à l’auberge, l’occasion de donner rendez-vous à Vladimir et Tamara, et nous voilà de nouveau devant le Coyote Quemado. Le bar porte bien son nom puisque sans passer par la case départ ni toucher 200€, nous nous enfilons un Sacrificio Maya. Charmant shot enflammé que nous adoucissons avec du Pisco pour les uns et des mojitos pour les autres. On cause de tout et de rien puis changeons de bar pour aller écouter un concert gratuit. Nous découvrons le Terremoto, savoureux mélange de glace à l’ananas et de vin blanc. Puisqu’on vous dit qu’on fait du tourisme gastronomique !!! Mais voilà déjà l’heure du départ de notre amie. Nous l’accompagnons volontiers parce qu’à la table voisine deux mecs bourrés et inintéressants – mais pas méchants – ne nous lâchent pas la grappe. Un peu sonnés par le tremblement de terre, nous rentrons ensuite nous coucher bienheureux.

Mardi 18 février

Notre but avant de rejoindre Santiago était de visiter la maison de Neruda à Isla Negra. Par mail, nous nous étions assurés qu’il n’était pas nécessaire de réserver, donc nous partons tard et arrivons là-bas comme des fleurs. Malheureusement, pour espérer visiter la maison il faut s’inscrire sur une liste d’attente et poireauter des heures en espérant qu’on nous appelle un jour. Les gens organisés arrivent tôt et reviennent 2h plus tard pour être appelés. Du coup nous partons faire bronzette face à l’océan Pacifique en attendant notre bus de retour pour Santiago. Temps splendide et spectacle naturel sur fond sonore des Red Hot, ambiance côte ouest, ça ne finit pas si mal.

Pacifique

Pacifique

Santiago, ville montagne

13 Mar

Vitrail du GAM

Lundi 10 février

C’est notre premier voyage en confort « cama. » Les sièges sont confortables, mais le repas laisse à désirer (un sandwich mou au fromage, et c’est tout). Comme dans chaque bus que nous avons pris, notre écran a un problème – sommes-nous maudits ? – l’image saute ou affiche des couleurs verdâtres. Et puis, World war Z est en espagnol, mais sans sous-titre. On n’a pas compris grand chose, si ce n’est que Brad Pitt est vraiment trop fort. Soldat, médecin, scientifique, il collectionne les casquettes et a le cul bordé de nouilles. Son avion s’écrase, il est le seul survivant avec une soldate israélienne, et il tombe pile poil à côté d’un centre de recherche pour éliminer les zombies. Trop fort, on vous dit. Le reste du trajet se passe très bien, on peut pioncer sauf quand le papy d’à côté hurle dans son portable.

Mardi 11 février

Nous arrivons tôt à la capitale. Très vite nous trouvons le métro à la station Universidad de Chile. L’auberge que nous visons est dans le quartier de la fête : Bellavista. Très tranquille et plutôt joli, le quartier est clairement aisé et bobo. Les prix de l’auberge sont à la mesure du lieu, mais nous ne nous doutons pas alors qu’il y a bien moins cher. Au moins l’hôtel est très joli, avec de grandes pièces communes, deux cuisines et un coin ordi. Les lits de dortoirs sont larges et vont nous permettre de dormir tous les deux. Youhou!

Après une mise à jour du site, nous partons en quête d’un Italiano. L’adresse que nous avions trouvé n’existe plus, nous errons dans le quartier et nous échouons à la place d’un restaurant populaire à côté de l’hôtel. Jumaï teste le pastel de choclo, une sorte de gratin de maïs garni de légumes et viandes variées. Moi je prends une sorte de viande marinée avec des haricots (je ne me souviens plus du nom de ce plat classique). Un régal.

L'hémicycle irrigué

En nous promenant dans le quartier nous tombons par hasard sur la Chascona, maison de Pablo Neruda. Il était trop tard pour la visiter, au moins pouvons-nous profiter de l’hémicycle irrigué. Nous discutons avec un voyageur turc qui, pendant un court séjour en France, a acquis quelques bases de francais. Avant de retourner à l’auberge nous partons en quête de provisions. Sur la route, nous apercevons le GAM, centre culturel Gabriela Mistral, qui m’intrigue d’abord par sa série de poteaux brutale qui continue dans le vide. L’enveloppe en acier corten est à la mode mais ne déparait pas. Tout comme la Chascona, ce sera une visite pour un autre jour. De retour vers l’auberge, la plaza Italia est animée par de nombreux jeunes danseurs de break dance. Le concepteur de la place ne pouvait pas imaginer qu’un jour son estrade en marbre serait utilisée comme club de danse. Encore une preuve, s’il en fallait, que l’espace conçu importe peu, son usage si. Le plus laid des endroits pourra être merveilleusement habité, et le plus bel espace déserté. Tout dépend des potentialités du lieu et de l’imprévisible facteur humain. L’estrade de marbre de la plaza Italia glisse bien, elle est au milieu d’un carrefour donc très visible, et son escalier permet de s’assoir et d’observer la joute. On ne pouvait pas faire mieux. Les habitués, tour à tour danseurs ou DJ, surplombent la piste assis sur les marches et passent du rap ou du dance hall (peu de reggaeton, musique de jeune typique et lassante). Les nombreux spectateurs s’arrêtent sur la partie goudronnée, entre deux passages piétons. Sur les côtés de l’estrade, des pelouses permettent aux novices de s’entraîner sans mettre leur honneur en jeu. Les danseurs, enfin, sont de niveaux inégaux : les meilleurs se mesurent les un(e)s aux autres avec des mouvements complexes ; les moins bons (les plus timides ?), dansent seuls ou hochent la tête. Tous semblent ne pas prêter attention au public, mais pourquoi seraient-ils là sinon ?

Danseurs exaltés

Sur le retour, nous croisons le regard de l’un des nombreux artistes de rue qui peuplent les carrefours. Pendant le temps du feu rouge, un jongleur pratique un court numéro avant que les flots de voitures le dépassent. Souvent les automobilistes ne donnent rien, et cette fois c’est nous qui donnons un peu de monnaie. Entre deux représentations, l’artiste pose pour la photo.

Salut l'artiste

Mercredi 12 février

Le programme est chargé aujourd’hui. Entre les musées et la Chascona nous allons pas mal gambader. Nous commençons fort avec le musée des arts précolombiens, qui expose soigneusement des pièces de toute l’Amérique. Les expositions ont la taille parfaite pour être parcourues sans se presser ni rester sur sa faim, avec une scénographie simple mais efficace. Dans l’escalier qui mène aux expositions, une grande carte des Amériques et une frise permettent de bien comprendre la nomenclature, la géographie et la chronologie des civilisations amérindiennes. Un rappel le long de l’exposition n’aurait pas été du luxe, tant il est difficile de se rappeler toutes ces informations. Heureusement, les informations sur les pièces sont très précises et, choses rare, un dessin permet de bien s’y retrouver dans la vitrine. Entre les tissages, l’orfèvrerie, la poterie, le musée montre à quel point la technique et la culture des indigènes étaient, s’il fallait encore le prouver, complexes et développées.

Au musée des arts précolombiens 1

Au musée des arts précolombiens 2

En sous-sol, l’exposition se concentre uniquement sur le Chili avant que le pays existe vraiment. Soit: la culture indigène avant et aussi, après l’arrivée des conquistadors (par exemple, les chevaux étaient originellement inexistants en Amérique). Avec cette exposition on comprend bien que le Chili assume son héritage indigène. Ce n’est pas comme en Patagonie argentine où tous les natifs ont été exterminés. La salle d’exposition du sous-sol, grand volume en béton, est d’une belle simplicité. Sous les ouvertures zénithale, la population de statues prend même une dimension spirituelle.

L'une des statues mystiques

Sous les fraîches arcades autour du musée, nous mangeons un pique-nique avant de reprendre un bain de chaleur. Derrière le palais de la Moneda, nous découvrons un passage qui mène au centre culturel de l’édifice. Dedans, une cinémathèque, quelques boutiques d’artisanat et des expositions. L’une d’elle présente des jeunes designers chiliens qui donnent de bonnes idées. L’exposition payante est consacrée au design italien actuel. Beaucoup d’idées saugrenues et inventives, comme cette brosse à dent / bague, qui évitera au voyageur légers de découper le manche de leur brosse à dent pour gagner 2 grammes. Et puis il y a cette fantastique étagère que l’on veut absolument fabriquer. Dans un coffrage en bois, divers objets découpés (boîtier d’écran cathodique, seau, maison de poupée, etc.) en plastique constituent les rangements ; les interstices sont remplis de polyuréthane expansé. Au retour, on aura du travail pour la reproduire !

Centre cultural de la Moneda

On rentre un peu au hasard par les rues inconnues du quartier des bureaux. Nous tombons sur le Cerro Santa Lucia, illustration parfaite de la magie de Santiago : en pleine ville, une colline qui dépasse les immeubles. Sur la colline, un parc kitsch mais agréable à la manière des Buttes Chaumont. Visiblement, c’est un repaire pour les amoureux qui profitent de l’ombre et des bancs publics pour se bécoter. L’heure tardive ne nous permet pas de tout visiter sur la colline, au moins pouvons-nous profiter de la superbe vue au sommet. À quelques dizaines de mètres seulement, quelques immeubles dépassent péniblement le Cerro. La vue est incroyable parce que, justement, nous ne sommes pas dans un immeuble mais sur un édifice naturel, à l’air libre.

Touristes stylées au Cerro Santa Lucia

La vue depuis le Cerro Santa Lucia

Nous avions prévu des restes pour le dîner, mais nous craquons plutôt pour un completo chez Hog’s, une adresse connue et assez chère. Heureusement la saucisse y est tout simplement délicieuse, et la garniture, quoiqu’elle manque un peu de quantité, est raffinée.

Puis, pour ne pas perdre la main sur le chemin, nous mangeons de merveilleuses glaces chez Emporio de la Rosa, une institution. Trois parfums parfaitement maîtrisés dans un pot de 500g pour deux : orange au gingembre, chocolat pimenté (des petits morceaux réchauffent la bouche) et l’excellentissime fruit de la passion. (Ps: remarquez avec quelle précision professionnelle Hadrien décrit ce moment de bonheur!) Sans aucun doute les meilleures glaces que nous ayons mangé depuis le début du voyage.

Sur la Plaza Italia, pas de danseurs ce soir. Ça tombe bien, nous avons encore un programme chargé demain, donc dodo le ventre plein de bonnes choses.

Jeudi 13 février

Comme nous sommes tout près de la Chascona, c’est notre première visite de la journée. La maison de Pablo Neruda et Matilde Urritia (à qui le nom « Chascona » fait référence), très personnelle, est aussi intéressante pour son enveloppe que pour son contenu. Une maison-bateau qui recèle bien des trésors. Verres de couleurs changeant le goût de l’eau, passages secrets et mobilier passant du bois sombre au design 70 en plastique, c’est un délicieux bazar qu’on a immédiatement envie d’habiter. Le poète est un bon vivant et ça se voit, un bar donnant sur le jardin était auparavant complètement ouvert ; dans le salon, le bar reprend des éléments nautiques. Une autre pièce de réception a servi à veiller le corps de Neruda afin, entre autres, d’éviter le pillage et la destruction de la maison par les hommes de Pinochet. C’est à la suite du putsch que l’état de santé de Neruda à empiré jusqu’à sa mort. Dans les pièces intimes, il manque une grande partie de la collection de livres qui a été distribuée entre les différentes maisons du poète. On peut quand même regarder quelques bibelots comme sa médaille de la Légion d’honneur ou celle du Prix Nobel de littérature. Les photos sont malheureusement interdites à l’intérieur, on se contente donc du jardin et des façades.

Peintures murales dans la Chascona

Nous allons ensuite droit vers le centre culturel Gabriela Mistral. L’histoire du lieu est chargée : déjà centre culturel sous Allende, il est devenu le centre du pouvoir de la dictature de Pinochet, puisque le palais de la Moneda était démoli par les bombardements. D’où les poteaux dans le vide qui remontent à la construction de l’édifice, qui a aussi brulé en partie. Le retour en centre culturel à permis de restaurer les œuvres d’art supprimées sous la dictature. Un poisson tressé d’Alfredo Manzano, un vitrail de Juan Vernal Ponce complètent le très bel habillage autour de la structure originelle. Entre les différentes parties du bâtiment, des places publiques protégées du soleil violent sont très appréciées par des groupes de midinettes ; en s’aidant de leur reflet dans les vitres, elles révisent des chorégraphies sur de la soupe états-unienne. Le programme du bâtiment comprend restaurant, boutique sponsor Puma, salles à disposition, salles de spectacle et expositions. En ce moment, été oblige, le lieu hiberne et laisse place à des ateliers divers. Les expositions en elles-mêmes ne sont pas fantastiques, l’une d’elle est consacrée à l’astronomie pour les enfants, l’autre à l’art populaire. On peut ainsi admirer de l’artisanat de tressage et tissage. Le meilleur étant un court-métrage sur Alfredo Manzano, plus expérimental que descriptif, pour notre plus grand plaisir. Sous le vitrail, nous mangeons des restes avant de prendre le métro jusqu’au musée des droits de l’homme. Ouf!

Le poisson tressé sous le vitrail

Le parallélépipède du musée est posé sur une place aride à moitié en pente, où l’on peut lire les articles de la Déclaration des Droits de l’Homme. L’entrée est gratuite, donc pas d’excuses pour ne pas y aller, tant la visite est passionnante et émouvante. Gavée d’archives, l’exposition sur deux étages couvre la période de la dictature de Pinochet, du putsch au retour de la démocratie. Par de grands thèmes comme l’emprisonnement politique ou le rôle de la religion, de la presse, des artistes durant la dictature, on en apprend énormément, voire trop pour notre niveau en espagnol. L’émotion monte souvent, comme par exemple en découvrant les hippocampes des prisonniers. Ce n’était qu’aux toilettes qu’on leur retirait le bandage des yeux ; ce qu’ils pouvaient alors regarder, c’était une grille d’évacuation représentant un hippocampe, devenu un symbole de liberté. De nombreux hippocampes seront ainsi fabriqués en soutien aux prisonniers.

Le temps passe vite dans ce musée très dense, à tel point que nous y restons jusqu’à la fermeture. Entre deux sessions de musée, nous passons par la station de métro pour un appel Skype, où il est possible d’accéder à internet via un Wi-Fi gratuit de l’opérateur téléphonique Claro. Gratuit (pour 30 minutes) si l’on possède un numéro d’identité national, ce qui n’est pas notre cas (qui sait un jour?…). Une gentille dame nous connecte avec ses numéros à deux reprises, on a de la chance. En revenant au musée par la station de métro, une salle expose de belles mais très dures photos sur les attentats commis par le Sentier Lumineux au Pérou.

Le plus dur à encaisser du musée des droits de l’homme est celle des souvenirs de prisonniers. Dans un court film, les victimes de viol, d’électrochocs et autres tortures racontent leur humiliation et leur douleur. La fin du musée finit sur une note positive puisque la dictature de Pinochet est tombée. Nous regardons les films publicitaires du référendum qui a destitué la dictature, et le mythique « vamos a decir que no ! » nous reste en tête. Mais quand on sait qu’un bon tiers de la population a voté en faveur de la dictature militaire, on se dit que le Chili a encore du travail pour éponger ces dures années passées. On peut d’autant féliciter l’initiative de ce musée, incontournable pour bien comprendre l’histoire récente du Chili.

Avant de retourner à l’auberge nous passons acheter nos billets de bus pour Valparaíso. Nous nous perdons un peu avant de nous rendre compte que le terminal de bus n’est pas à Estación central, mais à la station Universidad de Chile. On poireaute un bon moment avant d’obtenir nos billets, puis nous prenons le métro à l’heure de pointe. On a notre dose de foule pour la journée.

Santiago, ville montagne

Anti camping

28 Fév

Anti carpa

Dimanche 9 février

Le camping où nous sommes n’est décidément pas comme les autres. Vers 8h, nous sommes réveillés par des hordes de canard qui braillent comme pas permis. Quand nous nous levons enfin, c’est un petit cochon qui farfouille non loin de notre tente. Poules et coqs sont aussi de la partie. Les propriétaires font sûrement des économies en laissant leurs animaux finir les restes des campeurs.

La mascotte du camping

Avec la lumière du jour, nous découvrons que des voisins ont installé leur tente sur une plate-forme en bois entre les arbres, et ils ne sont pas les seuls. Signe que la nuit a été longue, nous sommes les seuls personnes réveillées du camping. Encore indécis, nous démontons la tente sans conviction, avec l’intention de changer de camping. Mais pour quoi faire ? Ici on s’amuse bien, les gens se rassemblent dans un bon esprit. C’est décidé, nous restons une nuit de plus.

Tentes à étages

Il y a grosso modo 45min de marche jusqu’au bourg de Cucao. Juste avant, nous nous arrêtons à l’entrée du parc national pour manger un bout : empanadas géantes (mais pas succulentes) et notre premier completó italiano. Ce classique du sandwich chilien se compose de pain à hot dog, d’une saucisse, d’avocat écrasé, tomate (en purée ou morceaux) et mayonnaise, ce qui donne les couleurs du drapeau italien. Celui que nous mangeons est bien rempli d’avocat, un délice. On se fait la réflexion avec Jumaï que, même dans le restaurant le plus basique, la cuisine est toujours maison. Pas de surgelés (même pour les frites !), pas de plats industriels sous vide. Pour cette raison, même le pire boui boui restera respectable, pas comme en France où les restaurateurs n’hésitent pas à servir à prix d’or des plats jamais touchés par un cuisinier.

Premier italiano

Le parc national de Chiloé est luxuriant de fleurs et arbres exotiques. Tout d’abord, un passage par le bureau d’information s’impose pour en connaître plus sur les animaux visibles et les légendes de Chiloé. Nous ne serons malheureusement pas à la bonne heure pour voir les loutres, les cervidés et oiseaux endémiques qui peuplent le parc. Tant pis ! Au moins pouvons-nous nous promener entre les feuillages et écouter les cris d’oiseaux mystérieux et les coassements des grenouilles au nez allongé. Jumaï croit même en voir une dans un tronc creux, mais ce n’est qu’une feuille. Des fleurs rouges parasitent les arbres et le parc entier comprend une grande diversité de paysages.

Parc national de Chiloé

Après quelques emplettes au village (indispensables cookies Toddy et des pains ronds tous frais), nous allons rendre visite au Pacifique. On ne peut pas s’approcher vraiment, une grosse flaque d’eau montante nous sépare de la plage. Les rouleaux et leur bruit sont impressionnant, on comprend maintenant pourquoi on entendait si bien du camping.

Pacifique pacifique

Sur le chemin du retour, comme un présage d’accueil, nous voyons un incroyable ballet aérien de rapaces noirs. Chacun leur tour, ils volent d’une vallée à une autre, passent au-dessus de nos têtes. Nous apprendrons plus tard que ce sont des condors, animal emblème du Chili. La majesté de l’oiseau ne doit pas y être pour rien.

Les jeunes chiliens nous accueillent au camping avec, surprise, le maté. Tito nous explique que les Chiliens aussi en boivent, mais qu’ils ne sont pas aussi accrocs que les Argentins. Puis les autres amis de leur groupe arrivent au compte-goutte, certains ayant fait du stop tout le long depuis Concepcion, d’autres seulement sur un tronçon. Nous apprenons aussi que ce que nous avons vécu hier, à savoir des rassemblements de jeunes autour du feu, était un petit aperçu de la fiesta de la luna. Celle-ci a lieu le 12 février et célèbre la pleine lune. Traditionnelle à la base, elle est devenue une sorte de woodstock informel qui réunit des milliers de personnes au bord du lac. Quel dommage que nous ne pouvions pas y assister.

Le 25, sans commentaire

Pendant que le soleil finit de se coucher, nous jouons à un jeu de ballon, le 25. Je mets un bon temps avant de comprendre les règles, ou plutôt leurs subtilités. Le principe est simple : tous les joueurs doivent marquer des buts, en se passant ou non la balle ; pour la garder il faut jongler avec les pieds ou la tête. Le gardien change quand la balle sort ou qu’il intercepte la balle. Chaque but vaut un nombre de points différent : 5 pour un tir au pied normal par exemple. Seule la « chilena » (retournette acrobatique) vaut 25 points, précipitant la fin de la partie. Des qu’on arrive à 20 points, chaque but vaut 1. L’enjeu étant de ne pas être gardien au moment où le score est de 25 ; à ce moment-là, le perdant doit traverser le terrain jusqu’à l’autre cage en évitant les coups de pied au fesses que les autres peuvent lui infliger. Pas besoin de vous faire un dessin, l’animateur que je suis ne jouera jamais à ce jeu avec des enfants. Mais entre adultes consentants, c’est très amusant parce que fondamentalement collectif – même quand on est aussi peu sportif que moi.

Roberto

La soirée autour du feu peut désormais commencer. Tito nous avait prévenus, ce soir ce serait fiesta et pas aussi tranquille que la veille. En vérité, la super ambiance est la même, avec simplement plus de monde. Conejo et Roberto jouent tour à tour de la guitare, ça chante et rit les pieds au chaud. Nous apprenons aux Chiliens quelques grossièretés et phrases de drague en français. Contrairement à d’autres situations, nous n’avons jamais la sensation de devoir mener la conversation, ni d’être mis à l’écart quand nos compagnons parlent entre eux. Après un tour par le miroir d’eau du lac, chacun se disperse, certains vont écouter les voisins jouer de la musique folklorique ; d’autres vont se coucher. Nous en profitons pour manger un excellent sandwich Chiloé avec pains ronds, avocat, fromage de chèvre, carotte et mayonnaise. Un délice, partagé avec deux Chiliens. Après un tour par les « toilettes » pour nous laver les dents, nous ne nous arrêtons pas là où il y a la musique. Seul Roberto est là, les autres types paraissent trop saouls et peu accueillant. C’est le bon moment pour aller se coucher.

Tito et la jeune chilienne au cheveux rouges

Lundi 10 février

Pour atteindre Santiago pas trop tard, nous devons prendre le micro vers Castro avant 10h45. Même en se levant tôt, la tente humide n’aide pas et nous partons tout juste dans les temps, de quoi laisser un petit mot sur la tente de nos copains. Avec nos sacs sur le dos, nous courrons comme des dératés jusqu’au moment où le bus croise notre route et nous prend. À Castro, mauvaise nouvelle : plus de départ pour Santiago. Dépités, nous élaborons un plan de secours et projetons d’aller sur une petite île à l’est, plus précisément à Achao. Presque heureux de ne pas partir, nous retournons au guichet acheter nos billets de demain. Et là, miracle, nous apprenons qu’il y a deux sièges de libres en cama (sièges larges et presque allongés) pour 14h. Génial ! On profite du temps libre dans un bistrot, et c’est parti pour la capitale.

Transition Chiloé

19 Fév

Maison typique de Chiloé

Vendredi 7 février

C’est parti pour le Chili. Ne pleure pas, Argentine, on va se revoir dans pas longtemps. Nous atteignons la frontière et patientons un bon moment. On a droit au numéro spectaculaire du labrador de la douane, qui détecte toute trace de fruits, légumes, viande, produits laitiers, interdits au Chili. Il parcourt tous les sacs, et celui de Jumaï l’intrigue. On s’en doutait un peu, à vrai dire, puisque deux français nous avaient donné un petit sac de feuilles de coca à Buenos Aires. Heureusement, ce n’est pas spécialement illégal et après moquerie des chiliens (« Pour quoi faire ? C’est pour l’altitude ? Ah ah, mais en Bolivie vous en trouverez partout ! »), le sac de coca finit à la poubelle.

L’entrée sur le territoire est simple bien qu’un peu longuette (il n’y a qu’un seul bureau) et arrivés dans un bled plus loin, nous changeons de car pour nous rendre à Puerto Montt. Le minibus est blindé, et nous ne comprenons pas pourquoi il y a des gens debout. Nous comprendrons plus tard pourquoi.

Aussitôt arrivés à Puerto Montt, nous nous empressons d’acheter nos billets pour Ancud, village situé sur l’île de Chiloé. On a deux heures à tuer dans le coin pour manger un bout, et nous allons juste à côté, dans un boui-boui familial. Le temps que le plat soit prêt, nous discutons avec Carmen, une adorable grand-mère venue visiter sa famille ici. Elle nous donne son numéro de téléphone ! Pour 2000 pesos chiliens (2,8€) on a une bonne barquette de porc, riz et tomates. Un dîner parfait au bord de l’eau.

Au bord de l'eau

Dans le car vers Ancud, il y a de nouveau des gens debout. Surpris par le monde, nous n’allons pas nous installer à nos places déterminées mais sur d’autres sièges. Très vite une dame nous fait lever : c’est sa place. Nous restons debout un bon moment avant de comprendre qu’un couple nous a pris nos places sans payer. On nous expliquera plus tard qu’en fait, il est possible de monter dans le bus sans ticket et de payer plus tard. C’est moins cher mais il n’y a pas de place assise. Au bout d’un moment nous allons donc récupérer nos places en nous faufilant.

Le trajet vers Ancud comprend la traversée en bateau. Sur le pont, nous attendons les dauphins avec impatience, mais leurs apparitions seront fugaces, nous ne verrons que quelques ailerons au loin. C’est déjà pas mal !

Au terminal de bus Cruz del sur, plus central que le terminal municipal, nous essayons de faire comprendre à un type de « l’office de tourisme » dans quelle auberge nous aimerions aller. On finit par se faire embarquer dans une cabaña pas chère mais banale : Hospedaje « su casa ». Au moins on profite d’une chambre pour deux et de la télé. Sur cartoon network, nous découvrons un excellent dessin animé : Adventure Time. Drôle, poétique et absurde, cette série vaut vraiment le détour. À la télé, il y a aussi l’inauguration des jeux olympiques, on a donc le droit à la tronche de Poutine. Youpi.

Samedi 8 février

Le petit déjeuner de la cabaña est excellent, à la mesure de ce qu’on nous avait annoncé. Œufs brouillés, fromage, dulce de leche de Chiloé (!), bon pain, gâteaux en tous genres. On est remplis pour la journée.

Maison typique de Chiloé

Programme de la journée : visite d’Ancud puis départ pour Cucao. Cet endroit nous a été recommandé par Renato, c’est un petit bled au cœur du parc national de Chiloé. Mais avant, Ancud est une petite ville bien jolie et facile à parcourir à pied. Les maisons sont souvent recouvertes de « tuiles » en bois cloutées sur les murs. Rivalisant par leurs couleurs et leurs motifs, les baraques ont du caractère. Sur la place principale, une feria bio nous permet – enfin – d’acheter de bons fruits et légumes. Alléluia ! Pommes, cassis, framboises, patates de toutes les couleurs, carottes, avocats, et un fromage de chèvre alourdissent mon sac.

En famille à la feria organica

Pendant la feria, des petits groupes de musique locaux s’enchaînent pour des sets de 3 ou 4 chansons. Puis nous visitons l’église centrale qui semble curieuse de l’extérieur avec son fronton en structure acier et son hideux parement de pierre. À l’intérieur on découvre une architecture métallique combinée avec du bois. L’église est simple, authentique et ne cherche pas à imiter quoique ce soit. L’autel est éclairé par un beau shed qui met bien en valeur la statue de Jésus. La paroisse d’Ancud a eu le bon goût de ne pas trop décorer l’édifice, c’est une très bonne surprise.

Et la lumière fut

Nous dévalons la rue jusqu’au bord de mer. Et puis on se dit qu’on va peut-être se diriger vers Cucao. Pour y aller nous décidons d’improviser. Marche tranquille jusqu’au terminal de bus municipal, Jum prend quelques photos marquantes sur la route.

Chien posant devant sa baraque

On apprend que pour aller à Cucao, il faut passer par la ville principale de l’île, Castro. Nous commençons à faire du stop non loin du terminal, et assez vite Manuel nous prend. Il ne va pas dans notre direction, mais peut au moins nous pousser à la route 5 un peu plus loin. Comme la voiture est de type Renault express, il n’y a qu’une place à l’avant. Jumaï monte donc à l’arrière entre la cargaison de poisson et la gamelle de Reina, la petite chienne de Manuel. Entre eux, c’est une grande histoire d’amour. Quand Manuel va regonfler les pneus, elle se met à la fenêtre et vérifie que son maître va bien. Nous les quittons au croisement de la route, avec des sacs qui puent sévèrement le poisson.

D’abord tous seuls au point de stop, nous avons rapidement énormément de concurrence, à tel point que, sous nos yeux, deux autostoppeurs à peine arrivés derrière nous sont pris ! Heureusement, un jeune couple de collègues nous invitent à embarquer avec eux à l’arrière d’un pick-up. Notre rêve de voyager la tête au vent se réalise enfin! Bon, en vrai il fait bien froid et le vent rend rapidement fou à vive allure.

À l’entrée de Castro, nous voyons furtivement l’attraction de la ville : les petites maisons de pêcheurs multicolores sur pilotis (les maisons, pas les pêcheurs). Le chauffeur nous arrête près de la plage. Nous quittons nos camarades auto-stoppeurs. Sur la plazoleta du petit train, on remarque un panneau inédit : « zone de risque de tsunami. » Les tremblements de terre sont fréquents au Chili et il peut arriver, comme en 2010, qu’ils déclenchent des tsunamis.

Le tsunami de l'amour

Nous marchons tranquillement le long de la mer jusqu’au centre de la ville, les bus pour Cucao sont fréquents. Sur la place centrale, une scène, des musiciens traditionnels, une fontaine, les enfants se baignent dedans. Nos ventres nous mènent à une fête paroissiale qui vend des empanadas pas chères, on saute sur l’occasion. Elles sont bonnes mais un peu chiches en garniture. L’église domine l’ensemble de sa hauteur et de ses couleurs jaune et mauve. D’après la description du Petit Futé que nous avons trouvé au camping de Bariloche, il s’agit d’un édifice 100% bois. Je pardonne au guide en papier de se tromper sur ce fait : il y a des clous en métal sur la façade. À l’intérieur, c’est surprenant, parce que l’église est construite en bois mais parée comme si elle était en pierre. Les colonnes sont creuses, les voutes aussi, visiblement. Il manque la présence de la charpente bois bien réelle derrière tout ça puisque ce n’est qu’artifice. Et c’est cela qui rend cette église fascinante.

L'église de Castro Disney

L'église en bois, 99% bois

Au terminal, nous patientions sur le parvis, quand Hector dit « Tito » vient nous demander si nous comptons prendre le bus sans ticket. C’est à ce moment que nous comprenons pourquoi certaines personnes sont debout et d’autres non. Si l’on choisit de monter sans billet on paie plus tard, et c’est moins cher, mais on peut passer tout le voyage debout. Dommage on a payé. Nous faisons ainsi la connaissance de la bande de jeunes avec qui nous allons passer du temps à Chiloé. Tito, 27 ans et Roberto, 21, ne se ressemblent pas vraiment mais ils sont frères. Avec eux, Ariano, Conejo (ce sont des surnoms) et la fille aux cheveux rouges (faute de nous rappeler quel est son surnom ou prénom). Nous espérons pouvoir corriger un jour cette faute de mémoire. Ils vont tous les cinq au camping « El Abuelo Peto », le moins cher de Cucao.

Le bus nous mène un peu plus loin que le bourg de Cucao. Pas de panneau, rien, nous avançons à l’aveugle sur la route de terre. 15 minutes de marche plus tard, nous arrivons enfin au camping. Enfin, si on peut appeler ça un camping. Le propriétaire prend 2000 pesos par personne en liquide et sans reçu. Pas d’eau chaude, pas d’électricité, c’est un camping à la dure. Le cabanon de toilettes est délabré, squatté par la puanteur et les tags. Le terrain est agréable cependant et nous nous installons au crépuscule. Notre tente en place, nous mangeons nos délicieuses victuailles biologiques. Un reste de pain, du chèvre, des carottes, de l’avocat, et ça fait un bon repas. Une fois repus, Jumaï va pioncer pendant que je discute autour du feu avec les cinq jeunes chiliens.

J’en apprends plus sur les légendes fondatrices de Cucao. Sorciers, sirènes et oiseaux magiques peuplent la mythologie insulaire. Ainsi, l’île a été fondée lors du combat intense entre Caicai Vilu et Tenten Vilu, deux serpents géants. Le premier est la mer et tout ce qui y vit, le second est la terre sur laquelle vivent, entre autres, les humains. Caicai Vilu, jaloux que les hommes entretiennent et prennent soin de la terre sur le dos de Tenten, provoque un combat sans pitié avec son rival. Il inonde toute la partie du Chili qui était jusque là liée à l’actuelle Chiloé. Tenten parvient à surélever la terre et sauve Chiloé de la destruction.

Plus tard, nous allons voir un incroyable spectacle naturel. Derrière les bosquets qui entourent le camping, un lac sans la moindre ride d’eau reflète parfaitement le ciel. La vue est vertigineuse ! Je ne parviens pas à faire lever Jumaï pour quelle voit ça. Retour au coin du feu, j’apprends plein de mots argotiques, beaucoup trop pour me souvenir de tous. Ça se termine en beatbox de Bonfire a cappella. Que c’est agréable une soirée sans portable, sans lumière artificielle, sans autre bruit que celui des habitants du camping ! Trompette répétitive, improvisation de rap sur beatbox, musique folklorique, les campeurs se passent aisément d’une sonorisation de voiture – pour notre plus grand plaisir.

En m’endormant, j’entends jusque tôt le matin les infatigables musiciens. Pas de doute, on est quand même bien tombés.

[Toute la nuit le pacifique a grondé. Bien qu’éloignés de la plage nous percevions parfaitement le bruit des vagues. Si bien que j’ai rêvé toute la nuit de tsunamis et maudit les fêtards trop saouls pour nous prévenir de la catastrophe… C’est bizarre d’avoir à apprivoiser un nouvel océan !]

Texture de Chiloé

Petite Suisse en carton

14 Fév

Vue du Cerro Campanario

Mardi 4 février

San Carlos de Bariloche est la deuxième « vraie » ville argentine que nous visitons après Buenos Aires. Transports publics, centre-ville bondé, commerces en tout genres (mais chers, lieu touristique oblige). Pourquoi mettre le mot « vraie » entre guillemets ? Parce que Bariloche dans son ensemble est un pâle pastiche de l’architecture de montagne. Rien ne manque : parement en rondins, saint-bernard, écriteaux en bois. La « Suisse argentine » est en carton, surtout quand on sait la qualité de l’architecture suisse du XXème siècle et d’aujourd’hui. Heureusement, cette urbanisation artificielle permet de s’y retrouver assez facilement et nous allons visiter l’office du tourisme, puis le centre d’information du parc national. Cartes en main, nous hésitons à nous installer dans un bar pour réfléchir à ce que nous allons faire. Nous atterrissons finalement sur les marches d’une petite place commerçante et surtout abritée du vent et de la pluie qui menace. Au moment de partir, un petit vieux qui promène son chien nous aborde. Il parle un peu français et est originaire d’Italie. C’est ainsi que nous faisons la connaissance d’Herman, personnage atypique s’il en est. Pour nous renseigner davantage sur les visites à faire dans le coin, il nous mène directement chez lui pour boire un café. D’abord sur nos gardes, nous comprenons très vite que notre hôte n’est pas un dangereux violeur kidnappeur, mais un passionné de photo qui vit avec trois chats et un chien.

Herman et sa chienne

L’appartement n’est pas ce qu’il y a de plus beau, et le café soluble – comble pour un descendant d’italien – n’est pas génial. Mais l’humour et la gentillesse d’Herman nous font passer un bon moment. Une énorme sono diffuse la radio locale (avec une bonne programmation) ; du balcon, on a vue sur le lac. Dans le salon, de nombreuses photos de lui sont accrochées : fleurs, paysages, animaux ; l’objectif d’Herman vise essentiellement la nature. Il nous montre d’incroyables photos de San Carlos de Bariloche sous la neige, pardon sous les cendres (!) du volcan voisin, toujours en activité. Herman n’hésite pas à rester longtemps et essayer de nombreuses fois avant d’avoir le cliché parfait d’un coucher de soleil sur le lac. Il nous raconte qu’en venant habiter à Bariloche, il a quitté la frénésie de la capitale où il a vécu avec son père. Bariloche, c’est définitivement chez lui. Après nous avoir suggéré quelques itinéraires touristiques sur notre carte, Herman regarde la météo des prochains jours : après une nuit de pluie, beau fixe. Quant au vent… Herman nous dit « sans le vent, ce ne serait pas la Patagonie. » On veut bien le croire.

Herman nous accompagne ensuite au bureau de tabac pour acheter nos ticket de bus. Sur la route, les jeunes qui font le change de monnaie dans la rue le connaissent tous. Il salue tantôt en espagnol, tantôt raconte une vanne en anglais – Herman est intarissable. Depuis le temps qu’il vit ici, tout le monde le connaît. Nous nous quittons non loin de l’arrêt de bus.

Le bus nous arrête juste devant le camping, ou plutôt le chemin vers le camping. Allez, encore 500m en sacrée pente avec nos sacs toujours trop lourds (et encore ils ne pèsent pas 23 kg !), et nous voilà avec notre tente à l’abri de la pluie sous des conifères. Parfait. Pendant que Jumaï donne des nouvelles par internet dans le bistrot du camping, je me les caille sous l’abri pour faire la vaisselle et nettoyer le sac dans lequel notre boîte « fabriquée en argentine » à fuit, laissant couler toute l’huile des gnocchis de la veille. Je fais la connaissance de Mathias et José, deux argentins avec qui je partage le maté. Ils partent bientôt sur la route des sept lacs à pied, un voyage de deux semaines ! Une fois de plus, la connaissance en football des argentins me surprend : ils connaissent Nantes pour son club sans même savoir où se trouve la ville. Ils me recommandent de belles balades pour lesquelles il vaut mieux camper dans le parc national.

La pente infinie du camping

Mercredi 5 février

Malheureusement, nous ne pourrons pas les faire. La fatigue des jours de voiture nous retombe dessus et nous prenons bien notre temps avant d’aller crapahuter sur le Cerro Campanario. Avant de nous résoudre à prendre le bus, nous marchons longtemps le long du lac. Le vent souffle tellement fort qu’on se croirait au bord de la mer ; les vagues s’écrasent sur les rochers.

En bas du Cerro Campanario, deux options s’offrent au touriste. Soit le périphérique (payant, environ 8€ l’aller-retour), soit la montée de la mort à pied (gratuite). Nous choisissons la deuxième option, et nos jambes écopent. Une fois en haut, la vue est spectaculaire sur le paysage, composé de lacs, forêts et montagnes. On comprend d’un coup pourquoi on a monté à pic la montagne ! Ensuite, la promenade n’est pas fantastique, et surtout très courte, un vrai truc de flemmard ! Au cas où, on tente de prendre le téléphérique gratis : raté, le gars est physionomiste et il vend des tickets au besoin. La descente, cela dit, est beaucoup moins dure que la montée, et bien plus rapide !

Vue depuis le Cerro Campanario

À l’arrêt de bus, on rencontre un français, Julien, qui épuise son argent avant de travailler en Argentine – il est en PVT (Permis Vacances Travail, qui permet de voyager et/ou travailler légalement dans plusieurs pays participants). Il nous invite à boire un verre à 21h30 avec d’autres voyageurs de son auberge, et… la discussion nous fait rater notre arrêt. Éreintés par le surplus de marche, nous tombons à l’entrée du camping sur un panonceau qui donne la mesure : fermeture totale à 23h30.

Là, on a la grosse flemme de repartir en ville pour si peu de temps. D’autant que l’on rencontre Raphaël et Laure, bruxellois et en voyage avant de s’insérer dans le travail. Ils se préparent une grillade alors que nous avons déjà mangé. C’est l’occasion pour nous quatre de constater la grande maîtrise des argentins en matière de barbecue (où asado), car arrivent un groupe d’Argentins chargés de bois qu’ils ont trouvé sur leur route depuis un sentier de randonnée. Ils pensent donc à tout ! Raphaël leur propose du charbon : non, pas besoin. Maintenant, ils s’occupent de tout, l’entretien du premier feu, les braises du deuxième. Des professionnels.

Nous passons un très bon moment avec tout ce petit monde réchauffé au coin du feu. D’autant plus qu’avec le couple de belges, nous sommes sur la même longueur d’onde, ce qui permet d’aborder des sujets sérieux et moins sérieux sans détours. C’est amusant de constater comment les belges voient les français, et vice-versa. Si proches géographiquement et si lointains, avec des problématique différentes (gros État centralisé d’un côté, petit pays fragmenté de l’autre, par exemple). On parle aussi des prémisses de vocabulaire chilien que nous avons appris de Manuel et Valentina. Notre petit lexique s’étoffera plus tard, mais ce qui nous marque déjà alors, c’est le duo « huewon » (grosso-modo « mec », « pote ») et « wea » (« truc », peut qualifier tout et n’importe quoi). La BD belge nous permet d’expliquer parfaitement l’usage de ces mots. Un jeune chilien, s’il était un Schtroumpf, pourrait ainsi dire : « Eh schtroumpf, tu viens schtroumpfer à la schtroumpf avec schtroumpf ? » Ces deux vocables sont drôlement utiles puisqu’ils permettent de qualifier n’importe quoi sans savoir trop de vocabulaire. Promis on ne les utilisera pas trop !

Jeudi 6 février

Nous nous sommes couchés sans nous soucier de rien, une fois de plus. À 15h, le verdict tombe comme une massue : le dernier car pour Puerto Montt partait à 14h, passage de frontière oblige – on aurait pu vérifier avant. Nous tentons désespérément de trouver l’arrêt de bus pour aller à la gare routière. On nous balade à droite à gauche, on parcourt des kilomètres sans comprendre. On en a franchement marre, on prend un taxi. Là, l’idée idiote nous effleure de prendre le bus à 7h demain, en dormant dans la gare, donc on met nos bagages en consigne. Boulette de plus, puisque la gare ferme la nuit. Délestés de nos sacs, on va prendre une auberge et on en profite pour mettre en ligne des articles en ligne et rester au chaud.

Pendant que Jumaï reste à l’auberge, je pars acheter nos tickets de bus pour le lendemain, on ne peut pas les acheter à bord. Je vais en éclaireur à l’arrêt de bus que le type de l’auberge m’a indiqué. Sans raison réelle, j’attends 10min que le bus suivant arrive, duquel descendent… Élias et Marta ! Ce sont les deux espagnols avec qui nous avions visité la péninsule Valdès. J’avais promis de leur envoyer les photos de notre tour, mais n’avais pas leur adresse. Ça me travaillait depuis le début, c’est donc affaire classée ! Le hasard fait bien les choses.