Sur la route 40, premier acte : Perito Moreno

11 Fév

Dimanche 2 février

Hier, comme nous n’avons pas vu Silvio et Ivana, nous ne savons pas à quelle heure ils partent. Au matin pourtant, Ivana vient nous prévenir (nous avions ignoré la sonnerie du réveil) qu’il nous reste quarante minutes avant de partir. C’est la première fois depuis 3 semaines qu’on a une telle pression temporelle. Maintenant, on peut le dire : on sait remballer toutes nos affaires en trente minutes. Ça peut servir en cas d’attaque de raptors de l’espace armés de microfusils lasers.

Ainsi commence notre trajet sur la route 40. Pour la Peugeot 206 de Silvio, c’est de la torture. La partie asphaltée de la route est minuscule, le reste c’est du gravier (ou devrais-je dire, des gros cailloux). Nous n’allons pas vite, l’occasion de discuter avec nos chauffeurs. Tous deux sont enseignants à l’université, lui en technique de cinéma, elle en dramaturgie. La discussion est nourrie. Nous buvons un bon maté en écoutant de la bonne musique. Tous les deux ont voyagé dans de nombreux pays du monde : Chine, Inde, Japon, Espagne, France.

Le couple nous dépose à Perito Moreno. De la station service nous pensons pouvoir rejoindre rapidement le camping. C’est sans compter la grande précision des chabitants de la ville. Cinq personnes interrogées, cinq itinéraires différents, jamais le bon : on a l’impression de devenir dingues. Soit les gens ne connaissent pas leur bled, soit ils nous baladent sciemment, soit quand on nous indique à droite il faut comprendre à gauche. Toujours est-il qu’un jeune homme à casquette finit par nous fournir la meilleure explication.

Le camping est plutôt agréable et nous nous empressons de nous installer avant de faire à manger. Nous avions eu le nez fin en ne mangeant pas notre réserve. Ici, tout et fermé le dimanche. En donnant un reste de savora, on commence à discuter avec trois argentins : Sol, Celeste et son copain (dont le prénom ne nous revient pas). Les trois étudiants vont dans la direction inverse de nous, donc vers le sud, et viennent de Buenos Aires. Peu après la fin de notre repas, ils nous invitent à manger un plat de gnocchis à la sauce tomate. Bon plan : il est possible d’acheter des kits pour faire des gnocchis soi-même, et c’est plus économique. Avec le copain de Celeste, étudiant en architecture, nous commençons à parler de Le Corbusier et des unités d’habitation. Nous aurons plusieurs occasions de discuter du cas difficile et à plusieurs égards unique au monde des banlieues françaises. Nous nous accordons à dire qu’il aurait fallu plus d’unités d’habitation et moins de préfabriqués, plus de qualité et moins de médiocrité.

En rencontrant tout ces gens charmants, d’Argentine et d’ailleurs en Amérique du Sud, nous ressentons toujours le regret de ne pas pouvoir dire : « quand vous viendrez en France, venez nous rendre visite, » parce que la plupart des gens que nous rencontrons ne peuvent pas s’offrir le billet d’avion pour traverser l’océan. Et s’il n’y avait que ça…

Et puis il y a les gens désagréables, heureusement rares, qu’on ne risque pas d’inviter. C’est le cas de ces deux allemands qui voyagent en camping car et qui suivent visiblement la même route que nous (ils étaient au même camping à El Chalten). Après avoir parlé une bonne heure en espagnol, je bricole très mal un allemand mâtiné de castillan – un calvaire – pour leur demander de nous emmener davantage vers le nord. Les deux types ne me mettent pas en confiance, ils me méprisent même. D’abord ils invoquent le fait de ne pas avoir de place à l’arrière de leur voiture ; puis très vite ils nous font comprendre qu’il y a « beaucoup d’auto-stoppeurs sur la route » et que « prendre le car, ça ne coûte pas cher, seulement 100$. » Clairement, ils ne nous aiment pas, ça tombe bien c’est réciproque. On part se coucher, dépités d’avoir essuyé une telle défaite. Demain, on tentera la bonne vieille méthode du pouce levé.

Stop sur la route 40

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