Petite Suisse en carton

14 Fév

Mardi 4 février

San Carlos de Bariloche est la deuxième « vraie » ville argentine que nous visitons après Buenos Aires. Transports publics, centre-ville bondé, commerces en tout genres (mais chers, lieu touristique oblige). Pourquoi mettre le mot « vraie » entre guillemets ? Parce que Bariloche dans son ensemble est un pâle pastiche de l’architecture de montagne. Rien ne manque : parement en rondins, saint-bernard, écriteaux en bois. La « Suisse argentine » est en carton, surtout quand on sait la qualité de l’architecture suisse du XXème siècle et d’aujourd’hui. Heureusement, cette urbanisation artificielle permet de s’y retrouver assez facilement et nous allons visiter l’office du tourisme, puis le centre d’information du parc national. Cartes en main, nous hésitons à nous installer dans un bar pour réfléchir à ce que nous allons faire. Nous atterrissons finalement sur les marches d’une petite place commerçante et surtout abritée du vent et de la pluie qui menace. Au moment de partir, un petit vieux qui promène son chien nous aborde. Il parle un peu français et est originaire d’Italie. C’est ainsi que nous faisons la connaissance d’Herman, personnage atypique s’il en est. Pour nous renseigner davantage sur les visites à faire dans le coin, il nous mène directement chez lui pour boire un café. D’abord sur nos gardes, nous comprenons très vite que notre hôte n’est pas un dangereux violeur kidnappeur, mais un passionné de photo qui vit avec trois chats et un chien.

Herman et sa chienne

L’appartement n’est pas ce qu’il y a de plus beau, et le café soluble – comble pour un descendant d’italien – n’est pas génial. Mais l’humour et la gentillesse d’Herman nous font passer un bon moment. Une énorme sono diffuse la radio locale (avec une bonne programmation) ; du balcon, on a vue sur le lac. Dans le salon, de nombreuses photos de lui sont accrochées : fleurs, paysages, animaux ; l’objectif d’Herman vise essentiellement la nature. Il nous montre d’incroyables photos de San Carlos de Bariloche sous la neige, pardon sous les cendres (!) du volcan voisin, toujours en activité. Herman n’hésite pas à rester longtemps et essayer de nombreuses fois avant d’avoir le cliché parfait d’un coucher de soleil sur le lac. Il nous raconte qu’en venant habiter à Bariloche, il a quitté la frénésie de la capitale où il a vécu avec son père. Bariloche, c’est définitivement chez lui. Après nous avoir suggéré quelques itinéraires touristiques sur notre carte, Herman regarde la météo des prochains jours : après une nuit de pluie, beau fixe. Quant au vent… Herman nous dit « sans le vent, ce ne serait pas la Patagonie. » On veut bien le croire.

Herman nous accompagne ensuite au bureau de tabac pour acheter nos ticket de bus. Sur la route, les jeunes qui font le change de monnaie dans la rue le connaissent tous. Il salue tantôt en espagnol, tantôt raconte une vanne en anglais – Herman est intarissable. Depuis le temps qu’il vit ici, tout le monde le connaît. Nous nous quittons non loin de l’arrêt de bus.

Le bus nous arrête juste devant le camping, ou plutôt le chemin vers le camping. Allez, encore 500m en sacrée pente avec nos sacs toujours trop lourds (et encore ils ne pèsent pas 23 kg !), et nous voilà avec notre tente à l’abri de la pluie sous des conifères. Parfait. Pendant que Jumaï donne des nouvelles par internet dans le bistrot du camping, je me les caille sous l’abri pour faire la vaisselle et nettoyer le sac dans lequel notre boîte « fabriquée en argentine » à fuit, laissant couler toute l’huile des gnocchis de la veille. Je fais la connaissance de Mathias et José, deux argentins avec qui je partage le maté. Ils partent bientôt sur la route des sept lacs à pied, un voyage de deux semaines ! Une fois de plus, la connaissance en football des argentins me surprend : ils connaissent Nantes pour son club sans même savoir où se trouve la ville. Ils me recommandent de belles balades pour lesquelles il vaut mieux camper dans le parc national.

La pente infinie du camping

Mercredi 5 février

Malheureusement, nous ne pourrons pas les faire. La fatigue des jours de voiture nous retombe dessus et nous prenons bien notre temps avant d’aller crapahuter sur le Cerro Campanario. Avant de nous résoudre à prendre le bus, nous marchons longtemps le long du lac. Le vent souffle tellement fort qu’on se croirait au bord de la mer ; les vagues s’écrasent sur les rochers.

En bas du Cerro Campanario, deux options s’offrent au touriste. Soit le périphérique (payant, environ 8€ l’aller-retour), soit la montée de la mort à pied (gratuite). Nous choisissons la deuxième option, et nos jambes écopent. Une fois en haut, la vue est spectaculaire sur le paysage, composé de lacs, forêts et montagnes. On comprend d’un coup pourquoi on a monté à pic la montagne ! Ensuite, la promenade n’est pas fantastique, et surtout très courte, un vrai truc de flemmard ! Au cas où, on tente de prendre le téléphérique gratis : raté, le gars est physionomiste et il vend des tickets au besoin. La descente, cela dit, est beaucoup moins dure que la montée, et bien plus rapide !

Vue depuis le Cerro Campanario

À l’arrêt de bus, on rencontre un français, Julien, qui épuise son argent avant de travailler en Argentine – il est en PVT (Permis Vacances Travail, qui permet de voyager et/ou travailler légalement dans plusieurs pays participants). Il nous invite à boire un verre à 21h30 avec d’autres voyageurs de son auberge, et… la discussion nous fait rater notre arrêt. Éreintés par le surplus de marche, nous tombons à l’entrée du camping sur un panonceau qui donne la mesure : fermeture totale à 23h30.

Là, on a la grosse flemme de repartir en ville pour si peu de temps. D’autant que l’on rencontre Raphaël et Laure, bruxellois et en voyage avant de s’insérer dans le travail. Ils se préparent une grillade alors que nous avons déjà mangé. C’est l’occasion pour nous quatre de constater la grande maîtrise des argentins en matière de barbecue (où asado), car arrivent un groupe d’Argentins chargés de bois qu’ils ont trouvé sur leur route depuis un sentier de randonnée. Ils pensent donc à tout ! Raphaël leur propose du charbon : non, pas besoin. Maintenant, ils s’occupent de tout, l’entretien du premier feu, les braises du deuxième. Des professionnels.

Nous passons un très bon moment avec tout ce petit monde réchauffé au coin du feu. D’autant plus qu’avec le couple de belges, nous sommes sur la même longueur d’onde, ce qui permet d’aborder des sujets sérieux et moins sérieux sans détours. C’est amusant de constater comment les belges voient les français, et vice-versa. Si proches géographiquement et si lointains, avec des problématique différentes (gros État centralisé d’un côté, petit pays fragmenté de l’autre, par exemple). On parle aussi des prémisses de vocabulaire chilien que nous avons appris de Manuel et Valentina. Notre petit lexique s’étoffera plus tard, mais ce qui nous marque déjà alors, c’est le duo « huewon » (grosso-modo « mec », « pote ») et « wea » (« truc », peut qualifier tout et n’importe quoi). La BD belge nous permet d’expliquer parfaitement l’usage de ces mots. Un jeune chilien, s’il était un Schtroumpf, pourrait ainsi dire : « Eh schtroumpf, tu viens schtroumpfer à la schtroumpf avec schtroumpf ? » Ces deux vocables sont drôlement utiles puisqu’ils permettent de qualifier n’importe quoi sans savoir trop de vocabulaire. Promis on ne les utilisera pas trop !

Jeudi 6 février

Nous nous sommes couchés sans nous soucier de rien, une fois de plus. À 15h, le verdict tombe comme une massue : le dernier car pour Puerto Montt partait à 14h, passage de frontière oblige – on aurait pu vérifier avant. Nous tentons désespérément de trouver l’arrêt de bus pour aller à la gare routière. On nous balade à droite à gauche, on parcourt des kilomètres sans comprendre. On en a franchement marre, on prend un taxi. Là, l’idée idiote nous effleure de prendre le bus à 7h demain, en dormant dans la gare, donc on met nos bagages en consigne. Boulette de plus, puisque la gare ferme la nuit. Délestés de nos sacs, on va prendre une auberge et on en profite pour mettre en ligne des articles en ligne et rester au chaud.

Pendant que Jumaï reste à l’auberge, je pars acheter nos tickets de bus pour le lendemain, on ne peut pas les acheter à bord. Je vais en éclaireur à l’arrêt de bus que le type de l’auberge m’a indiqué. Sans raison réelle, j’attends 10min que le bus suivant arrive, duquel descendent… Élias et Marta ! Ce sont les deux espagnols avec qui nous avions visité la péninsule Valdès. J’avais promis de leur envoyer les photos de notre tour, mais n’avais pas leur adresse. Ça me travaillait depuis le début, c’est donc affaire classée ! Le hasard fait bien les choses.

11 Responses to “Petite Suisse en carton”