L’envers de Santiago

7 Avr

Retour à Santiago

Mardi 18 février

Tout près de la maison d’Isla Negra, il est très simple de prendre un bus. Un abri fait de résine coulée autour de bouteilles en verre (cassées) un brin kitsch nous permet de poser nos fesses et nos sacs. Le bus nous mène dans la soirée à la capitale. Nous allons dans une auberge que Raphaël et Laure nous avaient conseillée, dans le même coin que celle d’avant, mais en moins chère : Terra Extremus.

Nous arrivons à l’auberge assez tard, donc manquons le rituel quotidien de l’auberge : la bière gratuite. Il n’est pas tant question de boire des coups mais plutôt de faire se rencontrer les gens. Ça tombe bien, on est fatigués et on a pas vraiment l’ambition sociale ce soir, d’autant plus que nous devons retrouver Fabián à 10h le lendemain. Fabián est le petit ami de Camille, notre ancienne voisine qui l’a rencontré par un échange avec le Chili au lycée. L’occasion de connaître l’envers de Santiago des yeux d’un jeune Santiaguino, et de parler espagnol à fond.

Divertissement citadin

Mercredi 19 février

Au petit-déjeuner nous rencontrons les deux Antoine, originaires du nord de la France. Ils font aussi une pause au milieu des études et font un tour du monde. Nous avons rendez-vous à la station Baquedano, que nous pensions bien connaître depuis le temps. Mais on se pointe à la mauvaise sortie et nous mettons beaucoup de temps pour nous retrouver.

Comme nous étions déjà dans le quartier avant, nous avions déjà visité la feria artisanale non loin de la station. Nous y attendons Alonso, ami du lycée de Fabián. Ils étaient dans la même classe mais sont maintenant dans deux cursus différents. Tous deux parlent très bien français, ce qui nous permet à tous d’apprendre de la langue de l’autre. À pied nous rejoignons le Cerro San Cristóbal, puis le montons jusqu’à mi-distance avec un ascensor assez cher ; nous terminons l’ascension à pied.

Vierge immaculée

Vierge immaculée

En haut, une vierge immaculée géante surveille Santiago, impassible malgré une échelle plantée dans son dos. Nous aussi profitons de la vue superbe, qui permet mieux qu’ailleurs de comprendre la morphologie de la ville. Visiblement les chiliens ne cherchent pas à se développer sur les montagnes, la ville ressemblant d’ici à une mer de béton. Quelques îlots de topographie récalcitrante se distinguent, comme le Cerro Santa Lucia ou une colline réservée à des indigènes.

Vue du Cerro San Cristóbal

Vue du Cerro San Cristóbal

On se promène ensuite tranquillement jusqu’en bas en nous perdant un peu. Nous faisons deux allez-retour sur la colline pour se rendre compte que nous étions dans le bon sens. Pour trouver notre chemin, Alonso interroge des policiers, et même une cycliste en montée, essoufflée et donc peu à même de parler. Il faut préciser que si le Cerro Santa Lucia est un repaire d’amoureux, le Cerro San Cristóbal est le royaume du vélo. Idéal pour un tour en VTT car peu fréquenté par les voitures, bien goudronné et vertigineux en descente. Cela n’empêche pas les accidents, en témoigne un carambolage dû à quelques jeunes têtes brûlées.

Faire du vélo à Santiago, c'est bon pour les poumons

Faire du vélo à Santiago, c’est bon pour les poumons

Nous arrivons en bas par un quartier aisé. Objectif : Costanera center, la plus grande tour de Santiago, encore en construction, avec un mall (centre commercial) en dessous. Sur le chemin, nous traversons le quartier des affaires, dans la commune de Las Condes. Plutôt riche, elle a pu construire une mairie en structure béton extérieure, à mon sens le plus beau bâtiment du secteur.

Mairie de la commune de Las Condes

Mairie de la commune de Las Condes

Une fois dans le mall, Alonso cherche désespérément sa taille pour un t-shirt dans plusieurs magasins. Pour manger, nous allons dans une immense salle de restauration ; autour des tables surpeuplées, on peut choisir ce qu’on veut, de la pizza au KFC. On ne vient nous-même pas pour de la grande gastronomie, mais des italianos chez Dominó, connus et pas chers. Nous mangeons deux italiano chacun, Jumaï avec une sauce « américaine. » Un délice ! Nous sortons du mall en passant par une passerelle. Nous allons digérer dans un parc avec des fleurs, haies et fontaines.

Repos dans un parc

Repos dans un parc

Nous allons dans un autre mall, Parque Arauco. On mange une bonne (mais pas extraordinaire) glace chacun mais la quantité est démentielle. J’arrive à peine à finir la mienne au manjar (nom chilien pour le dulce de leche) et vanille ; Alonso et Jumaï jettent l’éponge et Fabián presque. Je ne parviens pas à finir celle d’Alonso, horreur, il a falloir gâcher de la nourriture !
Ensuite, petit tour par une librairie du mall pour trouver des livres sur les Mapuches, indigènes et légendes de Chiloé, en vain. Alonso lit Condorito ; moi je trouve un petit précis de construction type Neufert en espagnol – dommage qu’il évoque des normes espagnoles et non françaises.
À la sortie du mall, nous prenons le taxi pour peu de temps mais moins cher que le métro, jusqu’à Los Dominicos, où il y a un fameux village d’artisanat. Le chauffeur connaît des enseignants du collegio de Fabian et Alonso. Le village d’artisanat est un peu cher, même si certains magasins le valent largement ; nous n’y achetons rien et alors que nous croyons avoir perdu Alonso, nous nous prélassons sur un banc. Il y a de la fatigue dans l’air.
Sur le chemin vers le métro, nous passons par un parc de jeu. Entre autres réjouissances, balançoires et musculation pour les mecs, les durs, filmés par Jumaï, reconvertie en cadreuse de téléachat.

Recréation

Recréation

Nous prenons ensuite le métro, fatigués (éreintés même) on se dit au revoir à la station Baquedano. Les deux super guides restent dans la rame, ils ont encore un long chemin jusqu’à leurs maisons respectives. Demain soir nous nous retrouvons tous chez Fabián pour un repas familial.

À peine arrivés à l’hôtel, nous faisons volte-face au métro pour téléphoner Thomas d’une cabine. C’est un ami de Julie, la cousine de ma mère. Nous ne nous connaissons pas encore, et ce sera un plaisir de le rencontrer. Un gars qui venait de téléphoner nous aide pour savoir les codes à saisir avant notre numéro, ce n’était pas évident. Je remplis les pièces régulièrement pendant que Jumaï appelle ; rendez-vous est pris pour le repas, à 13h demain.

Nous revenons à l’auberge juste à temps pour la bière gratuite, pas tant pour l’alcool que pour rencontrer des gens. En face, trois américaines – aux valises monstrueuses – qui voyagent ensemble parlent de tour en hélicoptère à Ushuaia, nous n’avons pas les mêmes valeurs. Je parle avec deux sympathiques brésiliens, puis avec un couple de polonais qui vit en Norvège et les deux Antoine. La polonaise est architecte et elle me recommande le pays nordique pour y travailler. Quant à l’un des Antoine il m’invite chez lui, dans le Nord ! Il nous parle du carnaval là-bas et de sa bonne ambiance, une caractéristique que celui de Nantes n’a définitivement pas. Regarder des chars les bras croisés n’est pas vraiment ce qu’on attend d’un carnaval, pourtant ça existe. Parmi les autres personnes présentes à l’apéro, un Argentin agaçant frime sur sa guitare, et un autrichien propose de passer de la musique sur son ordinateur. J’en profite pour mettre Kraftwerk.

D’une famille à l’autre

Jeudi 20 février

Comme nous nous levons assez tard, on doit acheter en quatrième vitesse une bouteille de vin et des chips pour chez Thomas. Un taxi nous emmène comme prévu là-bas, mais le chauffeur ne suit pas mes instructions et se perd. Au lieu de suivre la costanera norte jusqu’au rond-point au bout (comme je lui avais précisé), il bifurque trop tôt et nous fait payer beaucoup trop cher – maudit compteur.
Nous arrivons enfin chez Thomas et ses trois fils, dans le quartier de Vitacura. Autour des rues bordées d’arbres, les grosses maisons bien gardées montrent clairement le niveau de vie moyen du coin. Nous apprendrons plus tard que de nombreux cambriolages ont tout de même lieu, sûrement la faute à de nombreux mouchards qui contrôlent les allées et venues. Nôtre hôte, lui, n’a jamais été cambriolé, et prépare un délicieux barbecue avec de bons légumes, les trois garçons regardent Adventure Time. On essaie de parler entre adultes mais les mômes attirent l’attention et le font bien, ils sont adorables. Après un délicieux repas, l’après-midi se déroule entre carte Pokémon pour moi, piscine pour Jumaï pendant que Thomas peut vaquer à ses occupations. La chienne Pacha, gentil labrador, trouve le moyen d’outrepasser son interdiction de sauter dans la piscine. D’où la barrière grillagée qu’il faut toujours laisser fermée, la chienne étant allergique au chlore.

Sim City Édition Santiago

Sim City Édition Santiago

Après le goûter des trois garnements, nous partons avec la voisine et son fils sur une colline du coin. De là nous profitons d’une jolie vue sur la ville, et avec le coucher du soleil tout proche on se croirait presque dans une simulation. Les garçons aménagent quant à eux leur cabane située entre des buissons, formellement interdite aux adultes !
Nous revenons à leur maison pour dire au revoir, puis partons à pieds au supermarché à l’angle. On voit bien que ce dernier est dédié aux expatriés au habitent le quartier : il y a des bières belges, divers produits d’importation d’habitude difficiles à trouver. On achète quelques victuailles pour chez Fabián. Jumaï est chanceuse, car Thomas arrive en courant, et me rend la veste en jean qu’elle avait oubliée. Nous attendons un bon moment un taxi qui nous emmène près de l’auberge.
Déjà à la bourre, nous récupérons nos sacs à l’auberge qui n’a malheureusement plus de place pour ce soir ; nous allons donc accepter la proposition d’hébergement de Fabián.
Nous arrivons en retard au rendez-vous à la station de métro Las Rejas, heureusement on tombe pile sur Alonso et Fabián. Jusqu’à chez lui il reste encore à prendre un bus surpeuplé, avec nos pesants mochilas on est pas loin du tetris. Nous rencontrons Jovina, son neveu Cristobal et le petit frère de Fabián, Miguel. La soirée commence par l’apéro, pendant lequel Cristobal, 10 ans, nous pose tout un tas de questions marrantes, comme « comment sont les écoles en France ? » Ensuite, nous devons resté assis pour le repas, pas le droit de se lever pour aider ! Nous dînons de poisson et salades, puis nous goûtons enfin le fameux pevre chilien, un mélange de tomates hachées, oignon, ail et piment qui lui donne son piquant spécial. Un délice sur du pain ! Enfin, nous sommes gâtés par un plat de fromages, spécial pour les français que nous sommes. Vers 23h, Alonso doit partir, il doit travailler à l’aéroport le lendemain et résiste à la tentation de rester, lui aussi, dormir ici cette nuit.
En attendant sagement le retour du papa, Miguel, on discute, regarde la télé, joue à Dragon Ball Budokai Tenkaichi. Cristobal est un grand fan de Dragon Ball et tanne ses cousins pour jouer. Malheureusement, il sera impossible de jouer l’un contre l’autre, il n’y a qu’une seule manette.
Quand Miguel arrive, il est déjà 1h30 du matin. Il lui manque un employé dans son commerce pendant l’été et il doit faire des heures supplémentaires. Il a l’air épuisé et n’a pas faim, ça ne m’empêche pas de discuter avec nous un bon moment. Arrivé en moto, il a laissé son casque à Cristobal qui joue au cosmonaute. Malgré son énergie qui paraissait illimitée, il finit par s’endormir sur le canapé avec le casque sur la tête, ce qui lui vaut le sobriquet de borrachito donné par Jovina. À 3h du matin, nous allons nous coucher dans notre chambre personnelle, celle du grand frère de Fabián. Le luxe !

Pantoufles santiaguines

Vendredi 21 février

Excepté Miguel parti très tôt, toute la famille (y compris Jumaï et moi) se lève très tard, vers 12h. Si on ajoute le temps de se lever, se laver, cela donne un petit déjeuner à 13h, avec avocat et fromage pour bien démarrer la journée. Ensuite, nous ne faisons absolument rien, à part regarder des albums de coupe du monde et jouer avec des autocollants. Jumaï et moi finissons par partir à 17h pour le marché de Vega. La plupart des boutiques sont fermées mais nous trouvons quand même de délicieux fruits (pastèque, fruits rouges). Aux marché aux fleurs, une vendeuse nous truande sur un bouquet – tant pis pour le prix, c’est pour offrir à Jovina. Sur le retour, nous passons par le terminal pour acheter nos billets pour traverser la frontière demain. De retour chez la famille de Fabián, nous attendons le papa pour un barbecue sur un cuiseur électrique. Sur l’ordinateur de Fabián, nous regardons un match entre Universidad de Chile (que Fabián supporte) et l’Audax Italiano. La partie se termine par un 3-3 haletant mais forcément décevant malgré le rattrapage de la U en deuxième période. Miguel arrivé, nous passons ensuite une excellente soirée qui réussit à finir encore plus tard que la veille : 4h. Plus tôt, Cristobal est reparti chez lui avec son beau-père, toute la famille peut enfin souffler. Il faut dire que le gamin, bien qu’adorable, nécessite une attention de tous les instants et peut donc fatiguer à force.

Au revoir Chili

Samedi 22 février

Nôtre bus part tôt et toute la famille se lève avec nous. Entre le petit déjeuner et la photo-souvenir devant la maison, nous partons un peu tard par rapport à nos prévisions. Fabián nous accompagne au terminal, et tout juste avant le départ nous réussissons à acheter quelques souvenirs des deux plus fameux clubs de football du Chili : Colo-Colo et Universidad de Chile, éternels rivaux. Sur le quai, Fabián reste pour nous saluer jusqu’au départ vers l’Argentine. Nous n’avons qu’une hâte : revenir au Chili.

La famille du bonheur

La famille du bonheur

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